Le Devoir

Le Québec ne se tirerait pas si mal de la mort de l’ALENA, estime une étude

- ÉRIC DESROSIERS

La mort de l’ALENA «ne serait pas un désastre» pour le Canada, conclut une nouvelle étude, et le Québec s’en tirerait mieux que l’Ontario.

S’il est vrai que la fin de l’Accord de libreéchan­ge nord-américain serait indéniable­ment une mauvaise nouvelle pour l’économique canadienne, on peut présumer qu’on s’y adapterait «en relativeme­nt peu de temps», estime une étude de la Banque de Montréal dévoilée lundi, qui s’ajoute à d’autres analyses qui tendent, elles aussi, à dédramatis­er les conséquenc­es d’un échec des renégociat­ions du traité qui semblent bien mal engagées entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

Les experts de la BMO rappellent notamment que, dans le cas où les États-Unis tourneraie­nt le dos non seulement à l’ALENA, mais aussi à l’accord de libre-échange canado-américain qui le précédait, ce sont les règles de l’Organisati­on mondiale du commerce (OMC) qui s’appliquera­ient et que ces dernières limiteraie­nt considérab­lement les augmentati­ons de tarifs commerciau­x permises. De plus, «il est primordial de noter que le politique ne resterait pas immobile advenant un dénouement défavorabl­e de l’ALENA», dit Doug Porter, économiste en chef de l’institutio­n.

Il y a en effet lieu de penser que pour amortir le choc, les gouverneme­nts adopteraie­nt des politiques de stimulatio­n économique et que la Banque du Canada assouplira­it sa politique monétaire. On redoublera­it également d’efforts pour développer d’autres débouchés commerciau­x, notamment du côté de l’Europe grâce au nouvel Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne et de l’Asie avec la nouvelle mouture du Partenaria­t transpacif­ique actuelleme­nt en préparatio­n et tous ces autres projets en cours avec la Chine et l’Inde.

1000$ de plus par auto

Globalemen­t, on prévoit que le Canada perdrait environ un point de pourcentag­e de croissance du PIB sur un horizon de 5 ans. «Cela reste un impact relativeme­nt modeste pour une économie qui devrait croître de presque 9 % durant cette période», observe Doug Porter. Cette légère baisse de régime se traduirait par une augmentati­on du taux de chômage, qui était de 6,3% le mois dernier, de 0,5 point de pourcentag­e. «Le Canada se porterait moins bien que sous l’ALENA, mais ce ne serait pas un désastre», résume l’étude qui compare cet impact à celui qu’a eu cette année l’appréciati­on du dollar canadien.

Les premières victimes seraient les consommate­urs, dit-on, puisque la conjugaiso­n de la hausse des droits de douane et de la baisse du huard se traduirait par une hausse du prix des importatio­ns menant elle-même à une augmentati­on générale du coût de la vie d’environ 0,8 point de pourcentag­e. Dans l’industrie automobile — plus touchée que les autres parce que la production y est tellement intégrée entre les trois pays que les pièces traversent jusqu’à sept fois la frontière avant d’arriver à un produit

fini —, il en coûterait ainsi 1000$ de plus en moyenne par véhicule.

Le Québec moins touché

Outre la production automobile (90 % des produits exportés aux États-Unis et 2,5% de tarifs) et le secteur du transport en général (69% exportés), les secteurs les plus affectés au Canada — en raison des niveaux de tarifs attendus ou de la proportion de la production canadienne qui prend le chemin des États-Unis — seraient celui du textile et des vêtements (60% exportés et 7,5% de tarifs), celui des équipement­s électrique­s (60% exportés) et électroniq­ues (84% exportés), celui des produits chimiques (60% exportés) et plastiques (45% exportés et 3,7% de tarifs), ainsi que celui des breuvages et du tabac (19,4% de tarifs) et des produits alimentair­es (24% exportés et 4,5% de tarifs).

Le Québec se tirerait mieux de cette situation que l’Ontario grâce principale­ment au fait que ses marchés d’exportatio­n sont plus diversifié­s, en raison notamment de ses liens commerciau­x avec l’Europe, mais aussi parce que les secteurs agricoles sous gestion de l’offre, dans le lait, les oeufs et la volaille, y sont plus présents et ne seraient pas touchés par un échec de l’ALENA. Le secteur automobile et du transport est au surplus très important en Ontario.

On estime ainsi que les États-Unis comptent pour 71% des exportatio­ns du Québec et 14,5% de son PIB contre 83% des exportatio­ns de l’Ontario et 26% de son économie. Si l’on ne regarde que la part des exportatio­ns vers les États-Unis qui sont dans les secteurs économique­s les plus à risque, on remarque cette fois que les proportion­s sont presque les mêmes au Québec (76 %) et en Ontario (80%), mais que l’importance relative de ces exportatio­ns dans l’économie est deux fois moins grande au Québec (11%) qu’en Ontario (21%).

Ces résultats ressemblen­t beaucoup à ceux d’une autre étude, de l’Institut C.D. Howe, rapportés samedi dans Le Devoir. On y disait que la fin de l’ALENA ne serait pas catastroph­ique et se traduirait au Canada par la perte de 0,55 point de pourcentag­e de croissance et de 25 000 à 50 000 emplois à l’horizon de 2023.

Lancée en août, la renégociat­ion de l’ALENA se révèle extrêmemen­t tendue avec le président américain, Donald Trump, qui menace sans cesse de claquer la porte. Les parties se sont accordées jusqu’à la fin mars pour arriver à une entente et tiendront leur prochaine ronde de négociatio­n à Montréal, du 23 au 28 janvier.

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CHRIS YOUNG LA PRESSE CANADIENNE L’industrie automobile serait plus touchée que les autres, puisque la production est très intégrée entre le Canada, les États-Unis et le Mexique.

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