Le Devoir

L’effet des rayons gamma sur les éclopés

Radius met en scène deux amnésiques dans un drame au confluent de trois genres

- ANDRÉ LAVOIE Le Devoir Collaborat­eur

RADIUS ★★★ Thriller de Caroline Labrèche et Steeve Léonard. Avec Diego Klattenhof­f, Charlotte Sullivan, Brett Donahue, Nazariy Demkowicz. Canada, 2017, 87 minutes.

Perdre la mémoire: quelle tragédie pour ceux et celles qui en souffrent, mais quel vaste vivier d’intrigues pour les cinéastes. Christophe­r Nolan doit d’ailleurs une partie de ses succès (Memento, Inception) à cette prémisse.

Avec Radius, les cinéastes québécois Caroline Labrèche et Steeve Léonard (Sans dessein) ont flairé le bon filon, accablant non pas un, mais deux personnage­s avec cet immense trou noir dans la tête, dans lequel ils semblent se noyer. Ce n’est d’ailleurs pas leur seul souci, plongés qu’ils sont également dans un cauchemar éveillé où les vivants rejoignent les morts le temps d’un clignement d’oeil, s’écroulant au milieu de paysages dont seule la banalité apparaît foudroyant­e.

Ce carnage soft sans effusion de sang, mis à part les yeux des victimes dignes de figures inquiétant­es sorties d’un film de John Carpenter, est provoqué par la seule présence de Liam (Diego Klattenhof­f), croyant à une épidémie après son réveil à la suite d’un terrible accident de voiture. Une série d’incidents lui fait peu à peu comprendre qu’il est la cause de tout ce désordre, mais l’arrivée inopinée de Jane (Charlotte Sullivan) bouscule ses (rares) certitudes: près, tout près, de cette autre éclopée sans mémoire, la malédictio­n disparaît.

Les voilà tous les deux soudés, qu’ils le veuillent ou non, en quête de vérité et de rédemption, cherchant aussi à limiter des dégâts dont ils ignorent encore la cause, phénomène tout à la fois naturel et surnaturel. C’est d’ailleurs là que Radius cherche à se distinguer malgré son dénuement visuel, pigeant avec frugalité dans les dédales de l’horreur, ceux du fantastiqu­e (la dynamique méfiante du tandem rappelle parfois celle à la base de la série The X-Files), avec un bref détour du côté de la science-fiction, question de justifier les liens «électrique­s» qui unissent ce couple improbable en cavale.

Le duo de cinéastes que forment Labrèche et Léonard a d’abord réussi à relever un premier pari, soit celui d’étirer de manière judicieuse une propositio­n initiale un peu mince. Le procédé mortel aurait pu le devenir pour nous, mais il est utilisé ici avec parcimonie, nécessité économique oblige, et dans un habile crescendo dont le caractère déroutant se lit parfaiteme­nt sur le visage hébété de Diego Klattenhof­f.

D’autres stratégies narratives s’avèrent nettement plus convenues, dont celle des bulletins télévisés et radiophoni­ques qui ponctuent leur périple imprévisib­le et livrent des doses parfois excessives d’informatio­ns pour faire progresser le récit. Non dépourvu de surprises (merci à cette mémoire fragmentée et à un montage qui l’est tout autant) et de revirement­s, dont certains expéditifs, Radius se présente comme la première tentative un peu brouillonn­e de deux cinéastes résolus à explorer plus avant les genres qu’ils ont ici abordés avec modestie.

Le duo de cinéastes a d’abord réussi à relever un premier pari, soit celui d’étirer de manière judicieuse une propositio­n initiale un peu mince

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