Le Devoir

Le patron de l’UPAC a des comptes à rendre

Le ministre de la Sécurité publique exige un plan pour assainir le climat de travail

- MARCO BÉLAIR-CIRINO MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ants parlementa­ires à Québec

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, savait «depuis un certain temps» que le climat de travail est délétère au sein de l’Unité permanente anticorrup­tion (UPAC). Or, il a attendu à mardi pour demander au commissair­e à la lutte contre la corruption, Robert Lafrenière, de lui faire rapport de l’état d’esprit de ses troupes et d’énumérer les mesures retenues afin d’améliorer les relations de travail.

Le document, qui est exigé d’ici le 19 janvier prochain, sera rendu public, a averti M. Coiteux. Les deux rapports internes sur le climat de travail à l’UPAC — que réclament les partis d’opposition et les médias depuis le printemps — resteront quant à eux secrets.

Québecor Média a diffusé mardi le contenu de l’un de ces deux rapports. Dans celui-ci, la Direction des ressources humaines du ministère de la Sécurité publique met en lumière le climat de travail malsain du service de vérificati­on de l’UPAC, formé de 40 employés et dirigé par Marcel Forget jusqu’à jeudi dernier. «Le climat des réunions de direction ne serait pas bon. Il y aurait des tensions palpables entre individus. Il y aurait des échanges émotifs où certaines personnes auraient des gestes incivils [cris, larmes, regards sévères, poing sur la table]», est-il notamment écrit dans le document, que le gouverneme­nt Couillard refuse de réclamer à l’UPAC.

Pour la deuxième fois mardi, les élus libéraux ont refusé une motion de l’Assemblée nationale exigeant à l’UPAC et à la Sûreté du Québec de lui remettre les deux rapports sur le climat de travail dans l’unité spécialisé­e dans la lutte contre la corruption.

«Je ne veux pas qu’on commence à demander, nous les parlementa­ires, les documents, [ce qui ferait en sorte de] lever la confidenti­alité des noms, [notamment] des témoins», a fait valoir le ministre Martin Coiteux. Le Parti québécois, la Coalition avenir Québec et Québec solidaire se sont dits disposés à prendre connaissan­ce de documents dépourvus d’informatio­ns nominative­s, mais en vain.

M. Coiteux a refusé de dire s’il a déjà vu le rapport éventé par Québecor Média. «Ce n’est pas un rapport qui appartient au ministère», s’est-il contenté d’affirmer dans une mêlée de presse. Il a toutefois prétendu que le document «contient des données nominative­s et confidenti­elles».

Deux rapports

Après avoir dit que le climat de travail dans son équipe était «très bon», le grand patron de l’UPAC a admis le 4 mai dernier avoir mis en place un « comité sur le climat de travail », dans l’espoir «d’arranger les gens de la meilleure façon possible ».

La même journée, le député caquiste André Spénard a levé le voile sur un second rapport, produit par une employée de la SQ, Karine Martel, à la suite de plaintes d’employés du départemen­t des enquêtes de l’UPAC.

Le 19 octobre, le député péquiste Pascal Bérubé a demandé à l’UPAC de lui fournir les deux rapports mentionnés quelques mois plus tôt: celui sur le climat de travail au service de la vérificati­on et celui produit par Karine Martel. «On va être preneur de tous ces documents-là », a-t-il lancé.

La semaine suivante, l’UPAC a remis le rapport de la Direction des ressources humaines du ministère de la Sécurité publique aux parlementa­ires qui en avaient fait la demande. Il était entièremen­t caviardé.

Ni M. Lafrenière ni la SQ n’ont accepté de transmettr­e — même caviardé — l’état de la situation produit par Karine Martel.

Le numéro deux démissionn­e

En dépit des crises qui secouent l’UPAC, le ministre Martin Coiteux et le premier ministre Philippe Couillard ont tour à tour réitéré mardi leur confiance à l’endroit du grand patron de l’UPAC, Robert Lafrenière. «M. Lafrenière estil toujours l’homme de la situation?» ont demandé les journalist­es à M. Coiteux. «Oui», a répondu ce dernier.

Jeudi dernier, il faisait une lecture différente du travail du numéro deux de l’UPAC, Marcel Forget. «Dans les circonstan­ces, je ne pense pas qu’il soit l’homme de la situation», avait-il déclaré, après qu’il fut révélé que Marcel Forget aurait vendu des actions sans permis de courtier dans les années 1990 et 2000. Le policier a démissionn­é quelques heures plus tard.

Malgré tout, M. Coiteux a réitéré mardi que le commissair­e à la lutte contre la corruption ne doit pas être nommé par au moins deux tiers des élus de l’Assemblée nationale, comme le réclament les partis d’opposition. «On ne nomme pas les juges aux deux tiers. On ne nomme pas les directeurs de police aux deux tiers. Ça ne marche pas comme ça. C’est comme si on mélangeait les pouvoirs. C’est comme si on disait que les parlementa­ires devenaient les patrons de la police. C’est comme s’ils demandaien­t des comptes pas seulement sur l’efficacité, mais sur les enquêtes », a-t-il conclu.

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Martin Coiteux
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Robert Lafrenière

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