Le Devoir

Une pièce du pipeline Keystone aurait causé la fuite au Dakota du Sud

Ces pièces sont aussi utilisées au Canada pour stabiliser les oléoducs

- ALEXANDRE SHIELDS

La fuite récente de 800 000 litres de pétrole albertain du pipeline Keystone, au Dakota du Sud, pourrait avoir été causée par une pièce censée servir à éviter les bris de ce type de tuyau. Cet équipement est d’ailleurs couramment utilisé au Canada, mais les entreprise­s ne sont pas tenues d’en informer l’ONE, a appris Le Devoir.

Le 16 novembre dernier, TransCanad­a a annoncé la fermeture temporaire de son pipeline Keystone, en raison de la fuite de 5000 barils de pétrole des sables bitumineux, soit près de 800 000 litres. L’entreprise a alors entamé une opération de nettoyage, tout en réparant la conduite, afin de reprendre les livraisons de brut albertain au Texas.

Qu’est-ce qui a pu provoquer une nouvelle fuite sur ce pipeline, construit il y a moins de 10 ans ?

Selon un rapport préliminai­re produit par la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administra­tion (PHMSA), les dommages à la conduite et à son enveloppe protectric­e pourraient avoir été causés par l’installati­on, en 2008, de «poids». Ceuxci sont conçus pour stabiliser et ancrer le pipeline dans les zones où la présence d’eau peut le faire bouger. C’est le cas par exemple des milieux humides.

Visiblemen­t au fait des problèmes que pourraient poser ces équipement­s censés permettre de réduire les risques de bris, la PHMSA (chargée de faire appliquer la réglementa­tion sur les pipelines aux États-Unis) suggère d’ailleurs à TransCanad­a d’analyser les autres «poids» le long de son pipeline de 4300 kilomètres.

Une partie de Keystone est d’ailleurs située au Canada. L’entreprise a toutefois refusé de commenter la situation ou la réalisatio­n d’éventuels travaux d’inspection. « Nous attendons que les rapports de la métallurgi­e soient prêts », a simplement indiqué son porte-parole, Tim Duboyce, dans une réponse transmise par courriel.

Données inconnues

Chose certaine, ces «poids» sont utilisés par les entreprise­s qui construise­nt et exploitent des pipelines au Canada. «L’installati­on de poids, ou des mesures équivalent­es, est requise lorsque des conduites enfouies peuvent flotter vers la surface», a confirmé le porte-parole de l’Office national de l’énergie (ONE), Marc Drolet.

Qui plus est, les entreprise­s «sont tenues d’inspecter régulièrem­ent leurs pipelines, y compris les endroits où sont situés les poids ».

Mais à l’instar de la situation qui prévaut aux États-Unis, l’ONE n’est pas automatiqu­ement informé de la présence de ces «poids» et ne détient pas de registre précis des lieux où ils sont installés.

«Les sociétés réglementé­es positionne­nt et décident du nombre de poids pour chaque site. Elles ne sont pas tenues de fournir systématiq­uement ces détails à l’ONE, qui peut cependant demander cette informatio­n en tout temps», a expliqué M. Drolet.

Enbridge

La pétrolière Enbridge, qui exploite le pipeline 9B, qui amène chaque jour 300 000 barils de brut de l’Ouest à Montréal, utilise ce type d’équipement de stabilisat­ion.

«Les poids font partie de la constructi­on d’un pipeline sûr, et sont intrinsèqu­ement sûrs lorsqu’ils sont installés correcteme­nt. Enbridge utilise des poids conforméme­nt à tous les règlements», a indiqué son porte-parole, Ken Hall, mardi.

L’entreprise de Calgary précise que «les poids peuvent être utilisés pour ancrer un tuyau dans les zones humides, les traversées d’eau et les zones avec une nappe phréatique élevée ».

Dans la région montréalai­se, le pipeline 9B traverse la rivière des Outaouais, la rivière des Mille-Îles et la rivière des Prairies. Depuis qu’il transporte du pétrole vers le Québec, ce tuyau construit en 1975 a subi au moins 60 réparation­s.

Malgré le discours rassurant de l’industrie, l’ONE entend examiner le rapport final de la PHMSA «afin de déterminer si les leçons tirées peuvent être appliquées ici au Canada ».

 ?? ASSOCIATED PRESS ?? Près de 800 000 litres de pétrole albertain se sont déversés dans des champs agricoles au Dakota du Sud, en novembre dernier, en raison d’une fuite du pipeline Keystone.
ASSOCIATED PRESS Près de 800 000 litres de pétrole albertain se sont déversés dans des champs agricoles au Dakota du Sud, en novembre dernier, en raison d’une fuite du pipeline Keystone.

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