Jamais noir ou blanc
Avant ma nomination comme consul général d’Israël à Montréal, je ne connaissais pas grand-chose de cette métropole. J’avais quelques souvenirs d’enfance des Jeux olympiques de 1976, où la coureuse israélienne Esther Roth-Shachamorov s’était rendue en finale du 100 mètres après avoir perdu son entraîneur lors du massacre de 1972 à Munich. J’étais au courant, bien sûr, des référendums de 1980 et de 1995, mais en tant qu’étranger, je n’en comprenais pas vraiment le contexte.
Des relations m’ont aussi appris que le Canada anglais était beaucoup plus pro-israélien que le Québec, mais j’ai rapidement découvert que ce genre de généralisation était complètement faux. Les choses ne sont jamais aussi noires ou blanches qu’elles en ont l’air.
Je pourrais écrire indéfiniment sur l’amitié non partisane entre le Canada et Israël qui a transcendé les années Harper jusqu’à ce jour sous Trudeau. Mais vous pourriez alléguer que les diplomates se vantent toujours de ce type de choses et mon article n’aurait aucune chance d’être publié.
La vérité est que je ne suis pas un diplomate ordinaire. Je suis un représentant d’un peuple ancien, mais aussi d’une jeune nation de 8 millions d’habitants, qui renaît après des millénaires de persécutions en attente d’un avenir meilleur. Une nation dont les frontières sont encore précaires et dont la légitimité et le droit à la souveraineté et à l’autodétermination sont toujours contestés par un nombre effrayant de détracteurs, dont les opinions font légion dans ces pages sur une base régulière.
Durant mon mandat au Québec, j’ai essayé de mettre l’accent sur nos valeurs démocratiques communes, en tant que sociétés donnant lieu à des contestations, et de souligner la fierté de notre langue et de notre culture, ce qui nous a permis de rester ensemble en tant que nations à travers les siècles. Partout où j’ai été, j’ai constaté que les Québécois, quelles que soient leur orientation politique et leur région, sont extrêmement hospitaliers et généreux.
Des difficultés
J’ai cependant rencontré des difficultés considérables à sensibiliser un petit groupe marginal, qui croit que le fait de soutenir Israël trahit la solidarité entre les peuples québécois et palestinien. À ces radicaux, j’ai dit et dirai toujours qu’une paix juste et durable ne viendra pas par le boycottage ou la diabolisation d’un côté ou d’un autre. La solution des deux États est une option sur la table depuis longtemps — en fait, ces jours-ci, on souligne le 70e anniversaire du plan de partage des Nations unies. Le problème est que les dirigeants palestiniens n’ont jamais saisi l’occasion et n’ont jamais accepté notre droit à vivre librement et démocratiquement à leurs côtés. Les choses ne sont pas aussi simples qu’elles peuvent le paraître.
En toute honnêteté, certaines des situations auxquelles j’ai été confronté avec cette minorité ont été assez absurdes certes. Par exemple, lors du Forum social mondial de l’année dernière, 22 activités antisionistes ont eu lieu pendant que l’on refusait la présence d’un seul représentant de la société civile très diversifiée de mon pays. De plus, lors d’une conférence à l’UQAM où un collègue diplomate et moi étions invités à présenter nos activités de diplomatie numérique, une poignée d’étudiants m’avaient boudé, refusant d’y assister. S’ils avaient été juste assez ouverts d’esprit, ils auraient pu découvrir que la page Facebook la plus populaire de mon ministère est en arabe. Une autre fois, durant la journée communautaire de Fierté Montréal, une certaine députée d’extrême gauche a carrément refusé de visiter notre stand, en dépit du fait que nous appartenons tous les deux à la même communauté. Juste la semaine dernière, notre mission a apporté son soutien à un film sur les droits des transgenres au Festival Image + Nation. Cet acte a été suivi d’un appel au boycottage par une organisation libano-québécoise locale. N’est-ce pas ironique de boycotter l’un des seuls pays au monde à avoir des soldats et des commandants transgenres, sans parler de la récente Miss Israël, une transgenre arabe chrétienne qui a été pleinement acceptée sans aucune condition ?
Comme je l’ai dit à maintes reprises, si les Québécois veulent promouvoir une meilleure compréhension entre nos sociétés, ils devraient continuer à lire les merveilleux articles sur Israël qui sont parus dans vos pages culturelles et touristiques au cours de mon mandat. S’ils veulent vraiment aider le Proche-Orient, la meilleure façon de le faire est de prendre l’un des deux vols directs reliant Montréal à mon pays et de visiter Israël et la région. Au risque de me répéter, les choses ne sont pas noires ou blanches seulement. En fait, elles sont un peu plus bleu et blanc que ce que l’on pourrait imaginer.
Une paix juste et durable ne viendra pas par le boycottage ou la diabolisation d’un côté ou d’un autre