Le Devoir

L’UE se dote d’une liste noire de 17 paradis fiscaux

Quarante-sept autres territoire­s qui ont pris des engagement­s de bonne conduite en matière fiscale se trouvent, eux, sur une « liste grise »

- CLÉMENT ZAMPA CÉLINE LE PRIOUX à Bruxelles

Les 28 pays de l’UE ont adopté mardi une liste noire de 17 paradis fiscaux exerçant leurs activités hors de leurs frontières, une première pour l’Union européenne, assortie de sanctions jugées cependant insuffisam­ment dissuasive­s par les ONG.

Bahreïn, Barbade, Corée du Sud, Émirats arabes unis, Grenade, Guam, Îles Marshall, Macao, Mongolie, Namibie, les Palaos, Panama, Samoa, les Samoa américaine­s, Sainte-Lucie, Trinidad-et-Tobago et la Tunisie figurent sur cette liste décidée par les 28 ministres des Finances de l’UE lors d’une réunion à Bruxelles.

Jusqu’au dernier moment, la liste noire de l’Union européenne a fait l’objet de tractation­s entre les 28 États membres, qui devaient, conforméme­nt aux règles européenne­s sur les questions fiscales, s’entendre à l’unanimité sur les pays blacklisté­s.

En outre, les ministres de l’UE se sont entendus sur une «liste grise» de 47 pays qui ont pris des engagement­s de bonne conduite en matière fiscale et feront l’objet d’un suivi. Ainsi, le Maroc et le Cap-Vert auraient pu se retrouver sur la liste noire, mais après des discussion­s en matinée, ils se sont retrouvés sur la liste grise, a précisé une source européenne. Également sur cette liste grise: la Suisse, la Nouvelle-Calédonie, les petites îles liées au Royaume-Uni — Guernesey, Jersey et Man —, Andorre et le Liechtenst­ein.

Cette liste noire est bien plus fournie que celle publiée par l’OCDE (Organisati­on de coopératio­n et de développem­ent économique­s), qui avait épinglé cet été un seul pays: Trinidadet-Tobago. Mais elle est plus réduite que celle établie par exemple par l’ONG Oxfam, qui avait recensé pour sa part 35 pays paradis fiscaux.

Pour ceux qui ont décidé de se plier aux demandes de l’UE, les pays développés ont jusqu’à la fin 2018 pour le faire, et les pays en développem­ent jusqu’à la fin 2019. Le cas de huit pays touchés par les ouragans en septembre dans les Caraïbes sera réexaminé en février prochain, a précisé la Commission européenne.

Les deux listes, la noire et la grise, doivent être régulièrem­ent actualisée­s.

Peu de sanctions

Le commissair­e européen aux Affaires économique­s, Pierre Moscovici, a appelé les États membres «à définir des sanctions nationales dissuasive­s rapidement». Pour l’instant est prévu simplement le gel de fonds européens pour les mauvais élèves.

L’exécutif européen aurait voulu aller plus loin en ce qui concerne les sanctions, a admis le vice-président de la commission, Valdis Dombrovski­s, en conférence de presse. Mais les 28 de l’UE étaient divisés. Un premier bloc composé, outre la France et la Commission européenne, de la Belgique, l’Autriche, l’Allemagne, la Roumanie, l’Italie, l’Espagne, le Portugal, la Slovénie, prônait des sanctions dures. Un autre bloc — Luxembourg, Royaume-Uni, Malte, Suède, Irlande, Pays-Bas, Lituanie, Finlande et Grèce — plaide pour des sanctions plus souples, qui passeraien­t surtout par une surveillan­ce accrue des États épinglés.

« Cette liste est une occasion manquée. Pour être efficace, elle doit être surtout accompagné­e de sanctions. Il est incompréhe­nsible que cela ne soit pas le cas», a jugé l’eurodéputé­e verte Éva Joly.

Épaulés par la Commission européenne, qui pousse depuis deux ans pour l’établissem­ent de cette liste, les 28 États membres ont passé au crible un total de 92 juridictio­ns [États et territoire­s] susceptibl­es de poser problème — parfois des îles minuscules —, à l’aune de trois critères:

Le premier, c’est la transparen­ce fiscale: pratiquent-elles ou non l’échange automatiqu­e d’informatio­ns?

Le deuxième, l’équité fiscale: appliquent­elles ou pas, par exemple, des mesures fiscales préférenti­elles dommageabl­es?

Le troisième: mettent-elles en oeuvre ou pas les mesures de l’OCDE contre l’optimisati­on fiscale agressive ?

Au moment de l’élaboratio­n des critères, certains États membres de l’UE avaient plaidé pour qu’un taux d’imposition zéro sur les sociétés soit également pris en compte, mais d’autres, comme les Britanniqu­es, y étaient opposés. En février, les 28 s’étaient finalement entendus pour que le taux d’imposition zéro soit simplement déterminé comme «indicateur» dans l’évaluation d’une juridictio­n.

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