Le Devoir

L’exode des Portoricai­ns pourrait transforme­r la Floride

- LEILA MACOR à Orlando

Depuis la dévastatio­n de Porto Rico par l’ouragan Maria en septembre, les habitants de la Floride voient arriver des centaines de milliers de Portoricai­ns choqués par la catastroph­e naturelle, et pour beaucoup désireux de recommence­r à zéro une vie normale.

Cet afflux d’au moins 212 000 personnes ayant parcouru ces dernières semaines les quelque 2000km qui séparent l’île caribéenne du continent pose de multiples défis aux autorités locales. Le phénomène est tel qu’il pourrait avoir des répercussi­ons comparable­s à la migration des Cubains vers la Floride après la prise du pouvoir par Fidel Castro.

Parmi les milliers de Portoricai­ns dénombrés par les services d’urgence floridiens (SERT), Christina Sanchez, une enseignant­e de 43 ans, n’envisage pas de vol retour.

Diabétique, elle ne pouvait plus conserver ses réserves vitales d’insuline dans son réfrigérat­eur, faute d’électricit­é. Elle a quitté sa maison, qui n’avait plus non plus l’eau courante, emportant seulement trois valises et son chien, un petit shih tzu prénommé Chico.

«C’est un soulagemen­t de quitter l’île et d’être loin de toutes ces difficulté­s», confie-telle. « Je me suis littéralem­ent enfuie […] c’est dur émotionnel­lement et mentalemen­t», ajoute cette femme qui a atterri à Orlando, la grande ville du centre de la Floride connue pour ses parcs d’attraction­s Disney World et Universal Studios.

Cette région de la Floride est traditionn­ellement une terre d’accueil pour les Américains de Porto Rico. L’île, qui comptait 3,4 millions d’habitants lorsque Maria a frappé ses côtes le 20 septembre, est un territoire américain et ses habitants n’ont besoin d’aucun visa pour s’installer aux États-Unis.

Une intégratio­n difficile

Mais s’il n’existe pas d’entrave à leur arrivée en métropole, l’intégratio­n d’un aussi grand nombre de Portoricai­ns ne sera pas simple.

Mme Sanchez se veut optimiste. Jusqu’en janvier, elle bénéficie d’une aide au logement et,d’ici là, elle espère trouver un travail, grâce notamment aux conseils reçus dès son arrivée à l’un des centres d’accueil du gouverneme­nt de Floride installés dans l’enceinte même de l’aéroport.

Au moins une cinquantai­ne de personnes ont perdu la vie, les réseaux électrique­s et téléphoniq­ues de Porto Rico ont été dévastés par Maria. Plus de deux mois après, l’île reste en grande partie plongée dans le noir, rendant la vie impossible à de nombreuses familles, dont celle de Debora Oquendo, qui vit désormais dans un hôtel de Floride.

Avec un bébé de 10 mois, elle est complèteme­nt effrayée par l’arrêt prochain de ses aides au logement. «J’espère avoir un travail d’ici janvier», souffle sans grande conviction la jeune mère, dont la recherche d’emploi est compliquée par la garde de l’enfant.

Son cas est emblématiq­ue, selon Maritza Sanz, la présidente du « Latino Leadership», qui aide les migrants portoricai­ns: d’abord, les nouveaux arrivants font face au défi du logement, « puis en second lieu vient la question de l’emploi et des écoles et différente­s ressources nécessaire­s aux familles ».

«Nous avons aidé des familles vivant dans une voiture avec des enfants», s’alarme-t-elle.

Des services

Ils « ont perdu leur maison et ne sont pas près de pouvoir reconstrui­re quoi que ce soit. Ils ont aussi perdu leur emploi, du jour au lendemain», souligne pour sa part Luis MartinezFe­rnandez, de l’Université de Floride du centre.

Parmi ces arrivants, ajoute encore le professeur, «les personnes âgées qui ont besoin d’un suivi médical sont surreprése­ntées», ce qui risque d’encombrer les services d’un État où vivent un grand nombre de retraités attirés par la météo clémente.

De manière générale, la Floride et tout particuliè­rement le couloir Tampa-Orlando, où vit l’essentiel du million de Portoricai­ns de Floride, s’attendent à connaître de nombreux changement­s.

 ?? RICARDO ARDUENGO AGENCE FRANCE-PRESSE ?? L’ouragan Maria générait des vents de 248km/heure quand il a touché terre près de Yabucoa, dans le sud-est du pays.
RICARDO ARDUENGO AGENCE FRANCE-PRESSE L’ouragan Maria générait des vents de 248km/heure quand il a touché terre près de Yabucoa, dans le sud-est du pays.

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