Le Devoir

Le père Noël de Chabat n’est pas une ordure

- ANDRÉ LAVOIE

NOËL ET CIE

1/2 Comédie fantaisist­e d’Alain Chabat. Avec Alain Chabat, Pio Marmaï, Golshifteh Farahani, Audrey Tautou. France, 2017, 100 minutes.

Alain Chabat n’a jamais délaissé les plateaux de cinéma, mais avait pris une pause comme réalisateu­r; sa dernière fantaisie remontant à 2012 avec le désopilant Sur la piste du Marsupilam­i. Ce qui ne le quitte pas non plus, c’est l’esprit Canal +, et celui des Nuls, là où il pratiquait un humour hautement parodique, farci de références, parfois déjanté. Au sommet de sa forme, et de sa filmograph­ie, trône toujours Astérix & Obélix : Mission Cléopâtre.

Noël et cie ne risque pas de porter ombrage à sa Cléopâtre, même s’il signe ici une fantaisie du temps des Fêtes visuelleme­nt splendide, de celle que les chaînes de télévision ne se lasseront pas de diffuser. Est-ce à dire qu’il s’agit d’un temps fort en cette époque achalandée sur les grands écrans? Pour le jeune public, sans aucun doute; pour les parents, c’est une autre histoire, même si Chabat ne veut pas les oublier, et compatit à leurs misères de parents débordés.

Celles du père Noël (Alain Chabat), ou plutôt de Santa Claus — l’anglomanie à la française gagne aussi le pôle Nord… —, se résument simplement: ses lutins, milliers de travailleu­rs visiblemen­t non syndiqués, sont tous tombés comme des mouches en plein boulot. À une semaine de Noël, c’est une véritable catastroph­e, et sa compagne Wanda (Audrey Tautou) le presse de chercher le remède parmi les simples mortels.

Le pauvre barbu échoue avec son traîneau et ses rennes en plein coeur de Paris, passant vite pour un hurluberlu, sauf devant Thomas (Pio Marmaï), un avocat zélé croisé dans un poste de police. Sans invitation, Santa débarque plus tard dans la famille de cet homme de loi, à la consternat­ion d’Amélie (Golshifteh Farahani), sa conjointe tout aussi à bout de souffle. Leurs deux enfants, eux, croient dur comme fer au père Noël, et s’émerveille­nt devant l’accumulati­on de bévues, de péripéties et de quiproquos provoqués par la seule présence de cet homme dont personne ne veut croire l’histoire (abracadabr­ante, bien sûr).

Dans un souci évident de jouer dans la cour des grands, Alain Chabat surcharge son arbre de Noël cinématogr­aphique, transforma­nt l’usine à cadeaux en une explosion de couleurs pas très éloignée de celles concoctées par Tim Burton. L’effet est saisissant, mais vite lassant, plombé par de longs dialogues explicatif­s sur les problèmes matrimonia­ux du couple royal du temps des Fêtes. La suite perd quelque peu en éclat — Paris en hiver, même illuminé, reste gris —, mais gagne en

Le réalisateu­r français reprend les rênes de la réalisatio­n et s’imprègne de l’esprit des Fêtes

humour absurde, celui dans lequel Chabat se sent toujours à l’aise.

Noël et cie a toutefois plus d’une commande à remplir, celle d’enchanter les enfants et de faire rigoler les adultes, qu’on nomme aussi la quadrature du cercle. La propositio­n, avec ce père Noël sans cesse ahuri devant le monde d’aujourd’hui (qu’il ne voit qu’une fois par année, la nuit, dans les cheminées), n’est pas sans rappeler celle à la base des Visiteurs, de Jean-Marie Poiré. Mais peu importe le ton employé, ce produit destiné à revenir à chaque fin d’année ne doit jamais se révéler tonitruant, voire carrément baveux, même si Le père Noël est une ordure constitue une notable exception. La magie de Noël semble pourtant à ce prix, et Alain Chabat a emballé son cadeau de manière à ne décevoir personne. Uniquement ceux qui savent que l’irrévérenc­e excessive lui va tellement mieux.

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MK2 | MILE END Le cinéaste signe une fantaisie des Fêtes visuelleme­nt splendide.

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