Le Devoir

Les mille et un projets du prolifique Pilou

- PHILIPPE PAPINEAU

Il y a six ans, le musicien Pierre-Philippe Côté, appelé «Pilou» par tout le bottin des artistes, a quitté Montréal pour s’installer dans le petit village de Saint-Adrien, pas si loin d’Asbestos, en Estrie. Ses amis l’ont traité de fou. Dans un sens, ils n’avaient pas tort, car le polyvalent créateur, qui a entre autres lancé un disque sous le nom Peter Henry Phillips, a depuis multiplié les paris audacieux, les jets de dés, les effronteri­es. Sauf que ses mille projets sont en train de fédérer tout un village, et bien plus encore.

D’un côté, Pilou a un projet solo, dans le cadre duquel il montera sur scène ce soir à Montréal pour un des derniers spectacles du disque The Origin. Question de «boucler la boucle» et de remplir la Sala Rossa «de love », rigole-t-il. Sauf que Côté est pas mal plus un gars de groupe, de communauté, qui est en train de faire de Saint-Adrien un acteur important de l’enregistre­ment, de la production et de la postproduc­tion audiovisue­ls.

Son plus récent bébé, c’est le Projet 1606. Pilou vient tout juste d’acquérir l’église du village, dont l’adresse est le 1606, pour en faire un lieu où pourront se croiser les mondes.

«Je suis un peu un acteur de la culture dans ma région, on m’invite dans des tables de concertati­on culturelle­s. Après, il y a la Chambre de commerce qui parle d’économie. Et il y a les groupes sociaux qui parlent du social. On ne pourrait pas avoir une politique qui mêle les trois? Qui ferait que le social deviendrai­t de l’économique et de la culture? Il faut des rencontres, l’abolition de la peur de l’autre, et le décloisonn­ement de toutes choses. »

L’endroit reste à inventer, les projets à mettre sur pied, mais Pierre-Philippe Côté y croit ferme. «Je mets toutes mes billes. J’ai tout le temps fait ça, être all in .»

Investir les lieux

À Saint-Adrien, Pilou possède une maison à laquelle se greffe un studio d’artiste, bon pour la peinture, mais qui peut se prêter à la musique ou à d’autres arts. Il possède aussi le studio Le Nid — que le premier ministre Couillard est récemment venu visiter —, qui peut servir à l’enregistre­ment de disques ou de bandes originales pour la télévision ou le cinéma. Et Côté s’est aussi joint au projet d’un ami, qui a lancé au village La meunerie, un OBNL où se côtoient une salle de spectacle, une cuisine et même un dortoir pour garder les gens sur place le temps d’une nuit ici et là.

Et ça marche. Un peu comme dans le film Le champ de rêves, Pilou a construit quelque chose, et les gens sont venus. De Montréal, mais aussi de Los Angeles et de Paris.

«Notre faiblesse, qui est la distance — c’est à deux heures de Montréal —, est aussi notre force. Tu arrives ici et tu n’as pas de pollution lumineuse, la nuit tu dors, il y a un silence qui n’existe pas en ville, et ça fait du bien aux artistes, ça reconnecte. »

Mais personne ne parcourrai­t cette distance si ce n’était de Pilou, humain fédérateur, qui a roulé sa bosse avec Ariane Moffatt, Champion, Jorane, Lewis Furey, Tomas Jensen et plusieurs autres, en plus de réaliser des disques (Marie-Jo Thério, David Giguère, Philippe Brach). C’est sans compter les projets de musique de film, entre autres avec Denys Arcand (Le règne de la beauté) et Robin Aubert pour son récent Les af famés.

Le hasard des rencontres

Et il y a le hasard des rencontres. Comme celle avec la réalisatri­ce américaine Quinn Shephard, qui est tombée par un hasard total sur un concert de Peter Henry Phillips au Festival d’été de Québec et qui a décidé de lui confier la musique de son film Blame.

Juste avant le lancement de ce même film à New York, Pilou était dans sa chambre d’hôtel à flâner sur Facebook, où il constate qu’Alexa-Jeanne Dubé cherche des «pits» de gravelle pour tourner Scopique. «Je vais sur Google Maps prendre des photos d’endroits autour de chez nous auxquels je sais qu’on a accès et où je sais que ça va être chill. Il y a une ancienne mine d’amiante fabuleuse à côté, à Saint-Rémi. Elle m’a dit: “Man je veux faire ça là!” Trois semaines plus tard, on tournait chez nous.»

Après, il y a eu les groupes London Grammar et Kygo qui sont venus tourner des vidéoclips dans son coin de pays. «Avec Kygo et le clip Stargazing, le producteur à Montréal s’est retiré trois jours avant le tournage, dit Pilou. Et moi, j’ai appelé le producteur à Los Angeles, et j’ai un peu bluffé, je lui ai dit que j’allais monter une équipe, qu’on le faisait. Je savais que ç’allait être un maillon de la chaîne qui ferait en sorte qu’on pourrait aller encore plus loin. Tout le village a mis la main à la pâte, et toute notre gang de Montréal est descendue. C’était fou, on n’a pas dormi pendant huit jours!»

Et avec tout ce développem­ent commun, qu’adviendra-til de son projet personnel? « Écoute, c’est drôle, tout ce qui se passe en ce moment, dans ma vie, dans le village, dans le monde, les changement­s de mentalités, le fait qu’il y a de la place pour le renouveau, ça m’inspire au plus haut point. J’écris des chansons. Je suis en ébullition. »

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