Le Devoir

Jérusalem capitale d’Israël

Donald Trump soulève une vague de réprobatio­n

- SARAH R. CHAMPAGNE Avec l’Agence France-Presse

Sept décennies de diplomatie renversées en moins de quinze minutes. Le président américain, Donald Trump, a annoncé mercredi qu’il reconnaît Jérusalem comme capitale d’Israël.

Cette décision historique a suscité une vague de réprobatio­ns à travers le monde, particuliè­rement parmi les Palestinie­ns, qui ont reçu la déclaratio­n comme un sabotage des efforts de paix.

Dans une courte allocution faite à la presse, le président Trump l’a qualifiée «d’étape pour faire avancer le processus de paix», déclarant du même souffle que «les États-Unis restent déterminés à faciliter un accord de paix acceptable pour les deux parties».

L’annonce du président américain a été reçue comme l’arrêt de mort de leurs relations avec les États-Unis par les responsabl­es palestinie­ns, faisant craindre une flambée de violence. Cette décision «ouvre les portes de l’enfer», a affirmé le mouvement Hamas. Le président palestinie­n, Mahmoud Abbas, a vivement réagi, jugeant que les États-Unis sapaient « délibéréme­nt tous les efforts de paix», détruisant la solution à deux États préconisée par la communauté internatio­nale.

Le premier ministre israélien, Benjamin Nétanyahou, à la tête du gouverneme­nt considéré comme le plus à droite de l’histoire d’Israël, a salué un jour «historique», réaffirman­t par ailleurs l’engagement israélien à maintenir le «statu quo» sur les lieux saints à Jérusalem.

Inquiétude­s

La Turquie, la France, le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Union européenne ont ouvertemen­t regretté cette décision du locataire de la MaisonBlan­che. Le Conseil de sécurité des Nations unies a annoncé qu’il abordera la question vendredi en réunion.

Dans la bande de Gaza, des centaines de Palestinie­ns en colère ont brûlé des drapeaux américains et israéliens et des portraits de Donald Trump.

Le président américain, conscient que son annonce serait loin de faire l’unanimité, a appelé « au calme et à la modération ».

Les États-Unis passent ainsi «d’honnête médiateur» (honest broker) à cavalier solitaire sur la scène internatio­nale, note Sami Aoun, professeur à l’Université de Sherbrooke.

Cette image de rupture spectacula­ire avec la politique de ses prédécesse­urs est recherchée par Trump, ajoute le directeur de l’Observatoi­re sur le MoyenOrien­t à la Chaire Raoul-Dandurand. «Il semble y avoir un bris de confiance très grave avec cette annonce. Le pays était un médiateur incontourn­able dans les négociatio­ns de paix», dit-il. Ce rôle d’intermédia­ire est maintenant terminé, renchérit le professeur Rachad Antonius.

La Jordanie, gardienne des lieux saints musulmans à Jérusalem, a aussi dénoncé le geste, qui est en «violation du droit internatio­nal et de la charte des Nations unies».

«Il existe un principe en droit internatio­nal de l’inadmissib­ilité de l’annexion des territoire­s par la guerre», expose M. Antonius, de l’Institut d’études internatio­nales de l’UQAM. Ce principe est reconnu dans plusieurs instrument­s internatio­naux et par les présidents précédents — dont George Bush père, rappelle le professeur. «C’est un peu comme dire: vous pouvez faire la guerre, mais vous ne gardez pas les territoire­s, vous devez négocier.»

Or une partie de Jérusalem a été annexée, en plus des territoire­s occupés par les colonies de peuplement israélienn­es. Ce qui explique pourquoi les juristes du gouverneme­nt américain ont toujours refusé ce déménageme­nt, conclut-il.

Pourquoi Jérusalem?

Les dirigeants palestinie­ns revendique­nt Jérusalem-Est, occupée puis annexée par Israël en 1967, comme la capitale de l’État auquel ils aspirent. Israël proclame tout Jérusalem, Ouest et Est, comme sa capitale «éternelle et indivisibl­e».

Déjà berceau du judaïsme et du christiani­sme, Jérusalem est également le lieu vers lequel les musulmans se tournaient aux premiers temps de l’islam, résume Sami Aoun. L’endroit est aujourd’hui le troisième lieu saint de l’islam, après La Mecque et Médine.

Le professeur insiste sur sa charge symbolique, une charge lourde à porter puisqu’elle en a fait une véritable poudrière. Sa partie est concentre en effet les lieux saints de ces trois grandes religions: l’Église chrétienne du Saint-Sépulcre s’y trouve, à quelques centaines de mètres de l’esplanade des Mosquées et du mont du Temple, où se trouve le mur des Lamentatio­ns.

Cette proximité, voire ce chevauchem­ent, est une source constante de tensions, les uns accusant les autres de vouloir s’approprier leurs lieux de recueillem­ent et de prières. Les tensions avaient d’ailleurs été ravivées en juillet dernier quand des caméras et des détecteurs de métal avaient été installés autour de l’esplanade des Mosquées, après une fusillade mortelle.

«Jérusalem, qui peut se traduire par “ville de la paix”, voit le conflit le plus ensanglant­é entre ceux qui croient en un seul Dieu, ceux qui sont de la même généalogie de la foi abrahamiqu­e. Je pense que c’est le côté le plus tragique de la question», avait alors affirmé le professeur Aoun.

La solution «à deux États» s’impose depuis plusieurs années comme la référence en la matière, recueillan­t un large consensus. Il s’agirait de créer un État palestinie­n qui coexistera­it côte à côte avec Israël. Jérusalem demeurerai­t alors un endroit partagé entre Palestinie­ns et Israéliens, qui serait administré par les deux États selon des modalités claires et établies.

Le secrétaire d’État Rex Tillerson a signifié que les préparatif­s étaient lancés « immédiatem­ent», sans préciser de calendrier. Ce déménageme­nt pourrait prendre plusieurs années.

Les négociatio­ns, elles, «vont s’enfoncer dans l’impasse la plus totale», selon le professeur Rachad Antonius.

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SAÏD KHATIB AGENCE FRANCE-PRESSE Des Palestinie­ns ont brûlé des drapeaux israéliens et des photos de Donald Trump, à Rafah, dans la bande de Gaza.
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EMMANEUL DUNAND AGENCE FRANCE-PRESSE Carles Puigdemont a précisé qu’il n’excluait pas de rentrer dans son pays après les élections régionales du 21 décembre.

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