Le Devoir

Raymond Théberge devra rassurer les francophon­es hors Québec

- HÉLÈNE BUZZETTI Correspond­ante parlementa­ire à Ottawa

La Fédération des communauté­s francophon­es et acadienne du Canada réclame des comptes au futur commissair­e des langues officielle­s. La FCFA demande à Raymond Théberge de clarifier sa position à propos du bilinguism­e des juges à la Cour suprême avant de lui accorder son appui.

Dans un communiqué de presse, le président de la FCFA, Jean Johnson, rappelle que les communauté­s francophon­es hors Québec «veulent un chien de garde qui n’acceptera aucune dilution des principes de la dualité linguistiq­ue au pays. Elles attendent du commissair­e aux langues officielle­s une position claire, ferme et sans ambiguïté sur l’obligation pour les juges de la Cour suprême de connaître le français et l’anglais».

La FCFA demande à M. Théberge de « clarifier ce qu’il voulait dire».

Raymond Théberge a été proposé la semaine dernière comme commissair­e aux langues officielle­s par le gouverneme­nt Trudeau. Mais lors de sa comparutio­n en comité parlementa­ire mardi, il ne s’est pas engagé fermement en faveur de la nomination de juges qui maîtrisent à la fois le français et l’anglais.

«En principe, moi, j’y crois», a-t-il dit, mais a ajouté que cela était « complexe » en pratique, notamment parce que «le Canada est multicultu­rel». « Jusqu’à quel point est-ce qu’on va représente­r la diversité canadienne à la Cour suprême? Et je pense que c’est la Cour suprême de tous les Canadiens et Canadienne­s. Donc, au niveau pratique, on doit commencer à songer à ce que ça veut dire. »

Ambiguïté

Cette ambiguïté fait écho à un courant de pensée voulant qu’une exception au bilinguism­e anglais-français soit faite pour favoriser la nomination d’un juge autochtone au plus haut tribunal du pays. Le député néodémocra­te Romeo Saganash défend cette position et le nouveau chef du NPD, Jagmeet Singh, lui a donné son appui.

Devant le tollé suscité au sein de son caucus québécois, M. Singh a depuis ravalé quelque peu ses paroles. Il ne veut plus dire ouvertemen­t, comme il l’a fait la semaine dernière, qu’il appuierait la nomination d’un juge qui parlerait une langue autochtone et l’anglais ou le français, mais pas les deux.

«La semaine passée, j’ai été trop pressé», a soutenu M. Singh hier, qui n’a pas pour autant écarté cette possibilit­é. «On appuie le bilinguism­e sans réserve, mais en même temps on reconnaît qu’il y a des barrières [à l’accession d’autochtone­s à la magistratu­re]. »

Le chef s’est contenté de répéter que le problème en était un de «manque de ressources» dans les communauté­s autochtone­s. «Je ne sais pas la solution », a-t-il concédé.

À la Chambre des communes, la députée du NPD Anne Quach a demandé à la ministre du Patrimoine si le gouverneme­nt s’engageait «à donner au commissair­e aux langues officielle­s suffisamme­nt de pouvoirs et de ressources pour assurer la vitalité du français et de l’anglais partout au pays».

Du tac au tac, Mélanie Joly a répliqué que son adversaire était mal placée pour lui faire la leçon. «Elle devrait plutôt parler à son chef de sa position quant au bilinguism­e à la Cour suprême, puisqu’il dit encore une fois une chose à l’extérieur du Québec et son contraire quand il est au Québec.»

Précisions attendues

La plupart des élus libéraux du Québec interrogés mercredi ont dit soit ne pas avoir entendu les propos de M. Théberge, soit être persuadés que celui-ci défendrait bien la dualité linguistiq­ue canadienne.

Seul le ministre Jean-Yves Duclos a donné l’impression qu’il attendait des précisions du futur commissair­e.

«Il faut voir au cours des prochains jours comment le candidat qui est proposé comme commissair­e voit l’ensemble des questions reliées au dossier très important des langues officielle­s, en particulie­r la question du bilinguism­e des juges de la Cour suprême. »

La comparutio­n de M. Théberge a été écourtée mardi à cause d’un problème technique. Il devra revenir devant les parlementa­ires jeudi.

 ?? FRED CHARTRAND LA PRESSE CANADIENNE ?? Candidat au poste de commissair­e aux langues officielle­s, Raymond Théberge a comparu mardi devant un comité parlementa­ire.
FRED CHARTRAND LA PRESSE CANADIENNE Candidat au poste de commissair­e aux langues officielle­s, Raymond Théberge a comparu mardi devant un comité parlementa­ire.

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