Une décision fort limitée
Le dimanche 3 décembre, Gaétan Barrette annonçait fièrement que la RAMQ rembourserait désormais les frais de psychothérapie aux Québécois ayant reçu un diagnostic de maladie mentale. L’Ordre des psychologues du Québec s’est alors empressé de signifier son enthousiasme, suivi de près par l’Association des médecins psychiatres du Québec. Il faut dire que cinq années se sont écoulées depuis la recommandation du Commissaire à la santé et au bien-être «d’offrir un accès équitable aux services de psychothérapie». Aussi la décision a-t-elle, effectivement, de quoi réjouir.
Il aurait peut-être mieux valu se garder de couvrir si rapidement de bons mots l’«initiative» du ministre de la Santé. S’il s’agit à n’en point douter de la bonne direction à prendre, les mesures dévoilées n’ont rien du «pas extraordinaire» qu’entrevoit Alexandre Taillefer. Tout au plus peut-on parler d’une porte qu’on ouvre timidement.
Le ministre va dégager un fonds récurrent de 35 millions de dollars pour rembourser quelque 600 000 rendez-vous par an ; rendezvous qui doivent, dit-il, répondre aux besoins d’environ 240 000 personnes ciblées par la mesure (3% de la population québécoise). Ce sont là des données qui, à elles seules, en disent long sur la portée réelle (et limitée) de l’investissement annoncé. En effet, partagez ces 600 000 rendez-vous entre les 240 000 patients ciblés: vous arriverez à 2,5 rendez-vous annuels par personne. Quiconque a déjà souffert d’une banale dépression ou des très répandus troubles anxieux sait trop bien qu’avec deux rendez-vous, on réussit tout juste à se mettre à l’aise devant le professionnel consulté (et encore !). Qui plus est, répartissez les 35 millions promis parmi ces mêmes 240 000 personnes, vous vous retrouverez avec la somme dérisoire de 145,83$ consentis annuellement à chaque patient. Tout juste de quoi rembourser une séance de 50 minutes chez le psychologue. Une séance.
Qu’arrivera-t-il quand la RAMQ aura (rapidement !) dépassé le budget alloué ?
Une étude de l’Institut de la statistique du Québec de 2015, réalisée à partir de données de 2012, estimait que 18% des Québécois allaient souffrir d’une forme de trouble mental au cours de sa vie. Cette même étude notait que 6 % des Québécois avaient connu des problèmes de santé mentale au cours des 12 derniers mois. Pire encore, l’Institut universitaire de santé mentale de Montréal soutient que dans la métropole, 29% de la population adulte seront aux prises avec une dépression, des troubles anxieux ou de la dépendance. Au gouvernement, on dit certes que les « cas lourds » sont déjà pris en charge par les services publics de psychiatrie, mais force est de constater qu’on a vu trop petit dans l’estimation du bassin de clientèle à cibler.
Encore une fois, le gouvernement libéral pense que les électeurs sont trop fous pour savoir compter.