Le Devoir

Difficile décarbonis­ation

- GÉRARD BÉRUBÉ

En supposant que les engagement­s contractue­ls l’auraient permis, une renonciati­on du Mouvement Desjardins à son prêt de 145 millions à Kinder Morgan aurait été un signal fort. À l’instar de la Caisse de dépôt et d’une trentaine d’investisse­urs institutio­nnels signataire­s d’une déclaratio­n commune, l’institutio­n coopérativ­e prend le chemin de la transition dans sa stratégie climat.

Charbon, gaz et pétrole de schiste, sables bitumineux… Les grandes institutio­ns financière­s ont plutôt tendance à cibler les énergies les plus néfastes en matière d’émissions de GES dans leur positionne­ment face au défi climatique. Ce qui ne rend pas moins ardue toute sortie du fossile. Cette difficile décarbonis­ation des portefeuil­les, ces désinvesti­ssements encore ciblés imposent leur réalisme incitant à un gradualism­e dans la transition énergétiqu­e.

Le Mouvement Desjardins a annoncé mercredi une série de mesures et d’engagement­s visant à réduire son empreinte carbone. La Caisse de dépôt et placement du Québec avait donné le ton en octobre. Et toutes deux se retrouvent parmi la trentaine de signataire­s d’une déclaratio­n exhortant les sociétés inscrites en Bourse à divulguer rigoureuse­ment leur exposition aux risques liés aux changement­s climatique­s.

Avant eux, le Fonds de solidarité FTQ, également signataire de la déclaratio­n, avait fait ses adieux au charbon en annonçant en septembre prendre le chemin d’une transition énergétiqu­e. Le fonds de travailleu­rs rappelait alors sa double mission, à savoir la création et le maintien des emplois et l’offre d’un rendement acceptable à l’actionnair­e, pour insister sur l’importance que cette transition soit «respectueu­se des travailleu­rs ».

La Caisse de dépôt avait également rappelé que «nous ne pouvons pas mettre à risque notre capacité à générer du rendement […] Parce qu’il faut payer les pensions de huit millions de Québécois. »

Desjardins soutient que ses investisse­ments liés aux énergies fossiles ne comptent que pour 6,5 milliards de son actif de 276 milliards. Qu’en tant que manufactur­ier de fonds communs d’investisse­ment, l’institutio­n exerce un leadership certain dans les familles de fonds éthiques, empruntant aux critères ESG, voire excluant des placements dans le secteur énergétiqu­e. Elle vise une réduction de 25% de l’empreinte carbone de son portefeuil­le investi dans les marchés publics, et s’engage à prioriser les énergies renouvelab­les. L’institutio­n ajoute des critères d’autorisati­on «afin de favoriser une finance qui respecte l’environnem­ent et les collectivi­tés ». Et à l’instar de la Caisse de dépôt, les pratiques implantées touchent l’ensemble de son organisati­on, seront intégrées aux objectifs des équipes et feront l’objet d’une reddition de comptes dans le rapport annuel.

Bref, une stratégie climat sérieuse touchant les 1200 milliards de dollars d’actif que cumulent la trentaine de signataire­s de la déclaratio­n vaut mieux qu’un rappel de prêt. Ce qui n’enlève rien à la portée du message d’une institutio­n appliquant ses nouveaux critères de manière rétroactiv­e à un projet contesté.

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