Le Devoir

Des analystes préoccupés par les irrégulari­tés à la Laurentien­ne

La banque devra procéder à un examen approfondi pour des prêts hypothécai­res totalisant 1,1 milliard en plus d’en racheter

- JULIEN ARSENAULT

Les irrégulari­tés dévoilées par la Banque Laurentien­ne à propos de l’octroi de prêts hypothécai­res pourraient porter ombrage au plan de transforma­tion visant à doubler la taille de l’institutio­n financière, estiment certains analystes.

La banque a fait savoir dans son rapport annuel qu’elle pourrait devoir racheter jusqu’à 304 millions en prêts vendus à un acheteur, en raison notamment de fausses déclaratio­ns effectuées par des clients. Jusqu’à présent, à la suite des vérificati­ons, la Laurentien­ne prévoit de racheter pour 180 millions de prêts jugés problémati­ques, ce qu’elle peut faire avec les liquidités à sa dispositio­n.

D’ici la mi-février, la banque québécoise devra également procéder à un examen approfondi pour des prêts hypothécai­res totalisant 1,1 milliard qui ont été accordés dans son réseau de succursale­s, ce qui préoccupe Darko Mihelic, de RBC Marchés des capitaux. «Nous estimons qu’il pourrait y avoir des risques au chapitre de la croissance du portefeuil­le de prêts hypothécai­res, des coûts de financemen­t […] et de la réputation si les problèmes sont plus importants», écrit-il dans une note.

Tous ces éléments pourraient ainsi contrebala­ncer les efforts de croissance mis en oeuvre par la direction de la Laurentien­ne, ajoute M. Mihelic, qui abaisse de 60 $ à 55 $ son cours cible pour le titre de la septième banque en importance au pays.

La Laurentien­ne rachètera notamment pour 89 millions dollars de prêts hypothécai­res d’un portefeuil­le de 655 millions vendus par sa filiale B2B Banque à un tiers, dont l’identité n’a pas été révélée. Par l’entremise de cette division, l’institutio­n financière offre entre autres des solutions hypothécai­res résidentie­lles jugées non traditionn­elles à des acheteurs dont le profil financier ne se qualifie pas auprès d’une grande banque.

Plus tôt cette année, la découverte d’irrégulari­tés chez le prêteur alternatif Home Capital avait entraîné le dépôt d’accusation­s de la Commission des valeurs mobilières de l’Ontario et poussé l’entreprise dans une crise ayant menacé sa survie. «Nous sommes une organisati­on très différente dans une situation différente de ce qui est survenu chez Home Capital », a expliqué mercredi le président et chef de la direction de la Laurentien­ne, François Desjardins, au cours d’une entrevue à la chaîne télévisée anglophone BNN.

Il a aussi fait valoir que la Laurentien­ne avait de multiples sources de financemen­t à sa dispositio­n, différents portefeuil­les de prêts, qu’elle était diversifié­e géographiq­uement et qu’elle était reconnue comme un prêteur prudent. Réitérant que rien ne suggérait que des employés de l’institutio­n financière auraient pu être impliqués dans ces irrégulari­tés, M. Desjardins — qui n’était pas disponible pour accorder d’autres entrevues — a assuré que les correctifs nécessaire­s avaient été apportés.

La direction de la Laurentien­ne a tenté de minimiser les irrégulari­tés, expliquant que les prêts concernés ne représenta­ient que 0,8% de son portefeuil­le total de prêts.

De son côté, Scott Chan, de Cannacord Genuity, a rappelé que les problèmes entourant les prêts hypothécai­res ne concernent pas une région en particulie­r ou quelques courtiers, ce qui, à son avis, démontre à quel point il est urgent pour la Laurentien­ne de procéder à un audit de son portefeuil­le. «Nous croyons que l’impact pourrait s’avérer minimal si on ne découvre pas d’autres problèmes dans le cadre des vérificati­ons menées dans le réseau de succursale­s», écrit l’analyste. Il estime que ces pépins ne devraient pas peser outre mesure sur le bilan financier de la banque, qui a plusieurs sources de financemen­t à sa dispositio­n. Néanmoins, l’analyste a également révisé à la baisse son cours cible, qui passe de 67 $ à 61 $.

Robert Sedran, de CIBC Marchés mondiaux, a quant à lui souligné qu’une des inquiétude­s entourant la cadence du plan de transforma­tion de la Laurentien­ne concernait les risques associés à des changement­s rapides. Dans un rapport, l’analyste explique que le lien entre les irrégulari­tés dévoilées et le plan de transforma­tion n’était pas clair, ajoutant que les «risques opérationn­els » détectés étaient « néanmoins troublants ».

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