Décès de l’auteure Verena Stefan
Mues, premier-né de la romancière, a laissé sa marque dans le milieu féministe
L’auteure d’origine suisse Verena Stefan, québécoise depuis 1999, est décédée à 70 ans le 29 novembre dernier, des suites du cancer. Son Mues (V.O. Häutugen, 1975), traduit en huit langues, reste un ouvrage marquant du féminisme en général, et du féminisme allemand en particulier. Elle a publié ici chez Héliotrope D’ailleurs (2008), et tout récemment Qui maîtrise les vents connaît son chemin (printemps 2017).
Née à Berne, en Suisse, Verena Stefan étudie la physiothérapie et la sociologie. Début 1970, elle sera des fondatrices du groupe féministe Brot und Rosen, et publie son premier livre, Mues, quelque temps après. Le succès est immédiat, et le livre rejoint les «livres à succès qui brisaient les tabous sexuels et présentaient les rapports de sexe comme des rapports de pouvoir, sous le signe d’une sexualité se voulant libérée», selon la sociologue Ute Gerhard.
Après son arrivée à Montréal, Mme Stefan inclut la migration dans ses thèmes de prédilection — qui comptent le spirituel et l’écologie — et fait souvent référence aux langues autres, française et anglaise, qui meublent désormais sa vie. Dans le roman autobiographique — certains parlent d’une «écriture de la confession » — D’ailleurs, elle tisse sa migration à celle de son père, et écrit déjà sur son cancer, avec lequel elle aura vécu pendant une décennie. Le critique du Devoir Dominic Tardif disait du plus récent opus de Mme Stefan, Qui maîtrise les vents, sur le procès du grandpère de Mme Stefan, docteur et faiseur d’anges, qu’il se lisait «comme on feuillette à la fois l’envers et l’endroit d’un ancien album photos. Le vif souvenir d’un monde dur et injuste n’exclut pas celui, plus doux, des florissants étés de l’enfance».
Une pratique
L’éditrice de la maison québécoise Héliotrope, qui a publié les traductions des deux derniers ouvrages d’une Verena Stefan qui se savait condamnée, poumons et os grugés de métastases, souligne que l’auteure n’aura pas, jusqu’à la fin, cessé d’écrire. Son travail en cours se faisait en anglais. «Je l’ai vue la veille du Salon du livre de Montréal, se rappelle Olga Duhamel. Elle m’a dit “J’écris, j’écris…” C’était une pratique pour elle. Elle était devenue fragile, inquiète de ses os, même si c’était quelqu’un qui ne se plaignait jamais. Elle m’a dit “Olga, je veux que tu penses à moi comme quelqu’un qui écrit, qui est en train d’écrire, qui crée.” C’était vraiment le coeur de sa vie. »