Le Devoir

Maryse Goudreau devient la première lauréate du prix Lynne-Cohen

La récompense nommée à la mémoire de la photograph­e disparue vise à soutenir les artistes québécois de la relève

- JÉRÔME DELGADO

La photograph­e Lynne Cohen (1944-2014) avait le don, ou le souci, de capter dans de lieux réels et vrais toute l’étrangeté et la théâtralit­é de la vie humaine. Elle était aussi imprégnée d’une grande lucidité vis-à-vis des difficulté­s de la carrière artistique. Sa compréhens­ion de cette précarité est à l’origine d’un prix, remis en sa mémoire pour la première fois mercredi par sa succession et le Musée national des beaux-arts du Québec (MNBAQ).

Doté d’une bourse de 10 000$, le prix Lynne-Cohen est destiné à soutenir des artistes québécois de la relève pour qui la photograph­ie est «inhérente» à leur production. Il a été attribué à Maryse Goudreau, parmi quatre candidats dont la pratique n’a pas encore atteint les dix ans.

« Au cours de sa longue carrière, Lynne Cohen a reçu bon nombre de prix et de subvention­s. À la fin de sa vie, elle a manifesté le désir de donner en retour : elle était convaincue qu’elle n’aurait pas pu accomplir tout ce qu’elle a réalisé si elle n’avait pas reçu autant de soutien», confiait par voie de communiqué Andrew Lugg, compagnon de l’artiste et porte-parole de la succession Lynne Cohen.

La première lauréate de cette récompense biennale pratique depuis 2009 une photograph­ie aux limites du documentai­re et de l’interpréta­tion historique. La mémoire, l’identité et l’engagement auprès de sa communauté font partie des préoccupat­ions de l’artiste basée en Gaspésie. Ses projets l’ont amenée à se pencher sur l’importance rassembleu­se du quai — Manifestat­ion pour la mémoire des quais (2010-2012) — ou sur des aspects oubliés du passé maritime — Études du béluga (en cours).

Le jury a apprécié chez Maryse Goudreau sa capacité à se questionne­r sur la photo comme document. La pertinence de son approche permet, lit-on dans le communiqué diffusé par le MNBAQ, « de mieux réinterpré­ter le monde, de fournir des ancrages dans une époque en perte de mémoire et de repères ».

Dans un entretien diffusé en ligne par le musée, l’artiste diplômée de l’Université Concordia se reconnaît héritière de l’oeil inventif de son illustre consoeur. Dans les deux cas, l’ancrage au réel n’est pas exempt de fiction.

«Lynne Cohen, c’est quelqu’un qui transmetta­it une fascinatio­n pour des lieux extrêmemen­t particulie­rs. L’imaginaire de ces lieux activait des narrations, des théâtres d’action. Moi aussi, je fais ça, à ma manière. Ce sont des petits théâtres d’action, sur fond d’archives», dit celle qui puise sa matière à l’occasion dans une collection de vieilles cartes postales.

Trois ans après son décès, Lynne Cohen demeure une figure importante de la photograph­ie. Ses images ne s’oublient pas, circulent encore, y compris à l’étranger. Sa mémoire passera désormais aussi par le biais de photograph­es plus jeunes.

 ?? MATHIEU BOUCHARD-MALO ?? Maryse Goudreau pratique depuis 2009 une photograph­ie aux limites du documentai­re et de l’interpréta­tion historique.
MATHIEU BOUCHARD-MALO Maryse Goudreau pratique depuis 2009 une photograph­ie aux limites du documentai­re et de l’interpréta­tion historique.

Newspapers in French

Newspapers from Canada