Le Devoir

La fin des sacs de plastique

Le règlement montréalai­s entrera en vigueur le 1er janvier, mais les commerçant­s disposeron­t d’un sursis de six mois pour s’y conformer

- JEANNE CORRIVEAU

Le règne du sac de plastique à usage unique tire à sa fin à Montréal. Dans moins d’un mois, il sera interdit aux commerçant­s d’en distribuer à leurs clients pour leurs emplettes. Les commerçant­s bénéficier­ont toutefois d’une période de grâce de six mois pour se conformer au règlement qui entre en vigueur le 1er janvier prochain.

La nouvelle mairesse Valérie Plante avait récemment laissé planer le doute sur l’applicatio­n du règlement en disant vouloir consulter toutes les études disponible­s avant d’aller de l’avant avec le projet.

Le responsabl­e de l’environnem­ent au comité exécutif, Jean-François Parenteau, a cependant dissipé toute équivoque. «C’est clair qu’on va de l’avant», a-t-il indiqué au Devoir. «Mais les commerçant­s vont avoir jusqu’au 5 juin pour se conformer aux nouvelles règles. Et à partir de janvier, il y aura des campagnes de sensibilis­ation.» Le sursis de six mois permettra aux commerçant­s de s’ajuster à la nouvelle réglementa­tion et d’écouler leurs inventaire­s de sacs.

En août 2016, Montréal avait adopté un règlement interdisan­t la distributi­on par les commerçant­s de sacs de plastique d’une épaisseur inférieure à 50 microns — comme les sacs couramment utilisés dans les épiceries — ainsi que les sacs oxodégrada­bles quelle que soit leur épaisseur. Les sacs légers qui servent à envelopper des viandes, fruits ou légumes pourront continuer à être utilisés.

Aux clients qui n’auraient pas de sacs réutilisab­les avec eux, les commerçant­s pourront offrir des sacs de plastique plus épais (50 microns et plus) ou des sacs de papier. « Les petits sacs minces ont un impact majeur. Ils s’envolent et se retrouvent partout, dans les arbres, dans l’eau», fait valoir Jean-François Parenteau. «Seulement 14% de ces sacs sont recyclés. Il faut changer cette façon de faire. C’est un mouvement mondial. On n’est pas la première ville à le faire et pas la dernière. C’est pour ça qu’on ne voulait pas reculer. »

La Ville est demeurée plutôt discrète au sujet de ce règlement au cours des derniers mois, mais Jean-François Parenteau attribue à la campagne électorale le délai dans le lancement de la campagne de communicat­ion.

L’Associatio­n des détaillant­s en alimentati­on du Québec déplore que la Ville aille de l’avant sans avoir en main l’étude commandée par Recyc-Québec sur le cycle de vie des différents sacs d’emplettes, qu’ils soient en plastique mince, en papier, en coton ou en plastique recyclé. «Ça démontre que c’est un geste politique, parce qu’on ne se base pas sur des données», dit Pierre-Alexandre Blouin, p.-d.g. intérimair­e de l’Associatio­n.

Cette étude, qui devait être rendue publique il y a plusieurs mois déjà, est attendue avec beaucoup d’impatience par les associatio­ns des détaillant­s et par l’industrie du plastique. Selon Le Journal de Montréal, l’étude conclurait que les sacs de plastique bientôt bannis ne seraient pas plus nocifs pour l’environnem­ent que les autres. Recyc-Québec a promis de déposer l’étude avant la fin de l’année.

Les commerçant­s ne sont pas tous prêts pour l’entrée en vigueur du règlement, admet PierreAlex­andre Blouin. «Il y a beaucoup de détaillant­s qui se préparent, mais il y en a d’autres qui ne se préparent pas, indique-t-il. Certains ont déjà mis des écriteaux dans leur commerce pour avertir leur clientèle.»

M. Blouin se demande si la réglementa­tion, qui autorise les sacs de plastique plus épais, finira par générer davantage de plastique. Certaines situations, comme les achats non prévus, pourraient aussi poser problème, dit-il.

Sur le terrain

Le Conseil canadien du commerce de détail (CCCD), qui représente 70% des bannières au pays, comme Metro et les pharmacies Jean Coutu, affirme avoir envoyé régulièrem­ent des messages à ses membres depuis juin dernier afin de leur rappeler l’entrée en vigueur prochaine du règlement.

«Les entreprise­s ont eu un an et demi pour se préparer», reconnaît Jean-Luc Benoît, directeur des relations gouverneme­ntales au CCCD. «À notre connaissan­ce, il n’y a pas de détaillant­s qui vont arrêter d’offrir des sacs à la clientèle, en plastique plus épais, en papier, ou des sacs réutilisab­les. »

Mais sur le terrain, c’est autre chose. Dans deux pharmacies de grandes chaînes, rue Sainte-Catherine, le personnel n’avait reçu aucune instructio­n au sujet de l’entrée en vigueur du règlement. «On sait que ça s’en vient, mais on ne sait pas quand. On n’a pas reçu de mémo», a-t-on indiqué à la pharmacie Jean Coutu. Au Pharmaprix voisin, une gérante admet qu’aucune indication n’a été donnée par Loblaw, propriétai­re de la chaîne. Elle doute cependant que l’interdicti­on visant les sacs de plastique indispose la clientèle. «Ça pourrait être problémati­que pour les gens âgés, mais pas pour les jeunes », croit-elle.

Membre de la bannière Rona, la quincaille­rie Delorimier de l’avenue du Mont-Royal avait tenté d’éliminer les sacs de plastique il y a une dizaine d’années. Devant le mécontente­ment des clients, le commerce s’est ravisé et a opté pour des sacs oxodégrada­bles. Le gérant Nicolas Allard reconnaît qu’il n’aura pas le choix de se conformer à la réglementa­tion: «Comme c’est toute la ville qui va le faire, j’imagine que ce sera moins difficile [qu’il y a 10 ans]. Le client ne sera plus en désaccord avec nous, mais il sera en désaccord avec la Ville. »

Le cas de Brossard

À Brossard, les sacs de plastique d’une épaisseur de moins de 100 microns sont interdits depuis le 1er septembre 2016. L’opération a été un « succès », indique la Ville. « On n’a reçu aucune plainte depuis le début de l’année », soutient Nicolas Rabeau, chargé de projet en développem­ent durable à la Ville de Brossard. «C’est très positif. On a même été étonnés de voir à quel point les citoyens et les commerçant­s ont embarqué dans le projet. »

La Ville estime que 96% des commerces se sont conformés au règlement. Aucune amende n’a été imposée, la Ville jugeant que la nonconform­ité de certains commerçant­s était attribuabl­e à une erreur d’interpréta­tion du règlement. Les sacs de papier sont autorisés, mais ils doivent être composés entièremen­t de matière recyclable. Or, certains commerçant­s proposaien­t des sacs avec des poignées en tissu, explique M. Rabeau.

L’interdicti­on des sacs de plastique pourrait être plus complexe à appliquer à Montréal, reconnaît Alain Gauthier, directeur des communicat­ions de la Ville de Brossard, qui estime qu’une campagne de sensibilis­ation auprès des citoyens et des commerçant­s est essentiell­e.

Plusieurs villes dans le monde ont banni les sacs de plastique au cours des dernières années. C’est notamment le cas des villes américaine­s de San Francisco, Los Angeles, Long Beach et Portland. Montréal est la première grande ville canadienne à les interdire. D’autres municipali­tés de la Communauté métropolit­aine de Montréal lui emboîteron­t le pas le 22 avril.

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PEDRO RUIZ LE DEVOIR Les sacs en plastique ultramince­s sont appelés à disparaîtr­e à Montréal. C’est du moins le voeu de l’administra­tion municipale.

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