Le Devoir

Où sont nés vos voisins?

Notre série se transporte à Laval

- ANNABELLE CAILLOU

Dans les villes, plusieurs quartiers se distinguen­t par leur diversité et l’histoire des gens qui y ont élu domicile. Dans le quatrième texte de cette série, Le Devoir vous présente la carte postale de Laval, destinatio­n privilégié­e de la communauté libanaise.

«Accueillan­te», «sécuritair­e», «familiale», «abordable», la banlieue nord de la métropole attire de plus en plus d’immigrants. Laval est même devenue la deuxième destinatio­n des nouveaux arrivants au Québec, surtout les Libanais, dont la communauté ne cesse de s’y agrandir.

La compositio­n du nouveau conseil municipal en témoigne. Sur 21 conseiller­s, 9 sont issus d’une communauté culturelle, dont 3 d’origine libanaise. «Ça montre l’importance de notre communauté et de son implicatio­n à Laval et dans la société», estime Aline Dib, qui entame son deuxième mandat à l’Hôtel de Ville. Originaire du Liban, la conseillèr­e dans Saint-Martin est arrivée au Québec à 21 ans, en 1996, et vit à Laval depuis une dizaine d’années. «Je vivais dans Saint-Laurent, mais j’ai beaucoup d’amis à Laval, et

la communauté libanaise s’y installe de plus en plus. […] Les services sont à proximité, les propriétés moins chères», argumente-t-elle.

«Laval est devenue une terre d’accueil pour les immigrants et les migrants. Les nouveaux arrivants libanais s’installent maintenant directemen­t à Laval. Ceux qui allaient d’abord à Montréal migrent vers Laval», soutient la conseillèr­e.

Le recensemen­t de 2016 lui donne raison. Sur les quelque 423 000 Lavallois, près de 27,6% sont immigrants. Parmi eux, les Libanais sont les plus nombreux (10,6%), devant les Haïtiens (10,3%) et les Marocains (6,7%).

Cela explique notamment que le Festival libanais, initialeme­nt organisé à Montréal depuis 2003, se tient depuis quatre ans à Laval à la demande de la communauté. Et à l’automne 2018, une oeuvre d’art sera érigée aux abords du parc Saint-Norbert, pour «souligner la présence et l’enracineme­nt des communauté­s culturelle­s à Laval, à travers l’exemple de la communauté libanaise», indique le président de l’Union libanaise culturelle mondiale, Roland Dick, qui chapeaute le projet. Une oeuvre qui fera écho à Daleth, installée dans un parc d’AhuntsicCa­rtierville en 2010, pour célébrer l’arrivée des Libanais, qui ont foulé pour la première fois le sol canadien en 1882. C’est la troisième vague d’immigratio­n libanaise, entre 1975 et le début des années 1990 — pendant la guerre du Liban —, qui a été la plus importante.

Le commerce dans le sang

En marchant dans les rues de Laval, difficile d’y discerner une concentrat­ion des Libanais dans un quartier en particulie­r. «Ils sont partout, bien intégrés, note M. Dick. On garde un attachemen­t à nos origines, mais elles se fondent avec le reste, parce qu’on est Lavallois avant tout.» Arrivé au Québec pour étudier l’architectu­re en 1990, le Libanais d’origine a fait de l’intégratio­n sa mission. Inquiet de voir des ghettos se former à Laval, il va à la rencontre des jeunes de sa communauté pour les encourager à s’intéresser à leur société d’accueil et à s’impliquer dans la vie politique.

Il explique que c’est surtout dans les petits commerces et restaurant­s qu’on croise les membres de sa communauté. «Ce sont des Phéniciens, les premiers commerçant­s du monde. C’est dans leur sang d’être entreprene­urs. » Et vendre baklavas, knéfé, sfoufs et autres pâtisserie­s du Liban semble faire recette à Laval. «Si tu veux que le commerce se lance, il faut des Libanais dans le coin», affirme Rabih Moutran, qui tient depuis trois ans la boulangeri­e familiale Délices des cèdres. En cet après-midi de décembre, son frère Ziad s’active aux fourneaux pour préparer les nombreux paniers de Noël commandés par des entreprise­s de la région.

«Mon but, c’est que les Québécois deviennent des habitués, mais là, ça reste juste 15% du chiffre d’affaires», dit Rabih Moutran. «Un Québécois, il me dit “je veux une pièce de ça, trois de ça, quatre de ça” et “c’est combien de calories ça?”, explique-t-il, sourire en coin. Un Libanais, il va dire “donne-moi 1 kilo de ça, 3 de ça”. Ça fait une différence sur la facture.»

À quelques rues de la boulangeri­e, les rayons du Marché Adonis fourmillen­t de clients. Fondée en 1976 par les frères Elie et Jamil Cheaib avec leur ami Georges Ghrayeb, la chaîne d’alimentati­on libanaise est devenue une référence à travers le Québec, et même en Ontario, explique Pierre Masbanji, directeur de cette succursale de Laval. Deux magasins ont dû ouvrir dans la ville pour répondre à la demande. «La fin de semaine, ici, c’est saturé pareil», indique-t-il fièrement avant de retourner vider des cartons, répondre à un fournisseu­r qui lui parle à l’oreillette, tout en saluant des clients de toutes origines. «Presque 50% de ma clientèle est composée de Québécois de souche maintenant, on est fiers de ça.»

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR Pierre Masbanji et Roland Dick dans un magasin Adonis de Laval

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