Le Devoir

La méditation pleine conscience à l’école : utile ou pas ?

- ÈVE BEAUDIN

La méditation pleine conscience est de plus en plus souvent enseignée à l’école. Quels sont les impacts positifs de cette pratique? Peutelle aider les enfants? Qu’en dit la science? Nous avons fait le tour de la question.

Méditer à l’école ? Pas dans le programme officiel! À l’heure actuelle, il n’y a pas de cours de méditation intégré au programme québécois d’enseigneme­nt primaire et secondaire. Toutefois, de nombreux professeur­s de la province ont introduit des pratiques de méditation en classe. Plusieurs s’inspirent du programme MindUp, développé par l’actrice américaine Goldie Hawn en collaborat­ion avec des neuroscien­tifiques et des psychologu­es. Ce programme anglophone serait utilisé par plus de 1000 enseignant­s dans la région de Vancouver, ainsi que dans de nombreuses écoles aux ÉtatsUnis, en Angleterre et d’autres pays. Au Québec, le manuel pédagogiqu­e Mission Méditation, développé par la psychologu­e Catherine MalboeufHu­rtubise et le chercheur Éric Lacourse, est populaire auprès des enseignant­s.

Ces deux programmes de méditation en classe sont issus du courant de méditation dite «de pleine conscience» (mindfulnes­s), axée sur «l’instant présent». Popularisé­e à la fin des années 1970 par Jon Kabat-Zinn, chercheur à l’École de médecine de l’Université du Massachuse­tts, celle-ci est décrite comme une version sécularisé­e de la méditation bouddhiste traditionn­elle. «Les enfants ne sont pas assis en lotus, il n’y a pas d’encens, pas de chants», explique Catherine Malboeuf-Hurtubise, qui est aussi chercheuse au Groupe de recherche et d’Interventi­on sur la présence attentive (GRIPA) de l’UQAM.

Méditation, vraiment?

Comme d’autres spécialist­es dans son domaine de recherche, Catherine Malboeuf-Hurtubise préfère utiliser le terme «présence attentive» qui décrit mieux ce qui est fait en classe avec les enfants. « La présence attentive est un état dans lequel on porte attention à son expérience du moment, intentionn­ellement et sans y porter de jugement de valeur. Donc, il n’y a pas seulement des séances de méditation, mais aussi des ateliers pour aider les enfants à développer cette présence attentive à tout moment, même en marchant, en parlant ou en mangeant. »

Comme exercice, on distribue par exemple des canneberge­s fraîches et on demande aux enfants de toucher, de sentir, de regarder et de goûter ce petit fruit acidulé, qu’ils sont peu nombreux à connaître. «Cet exercice leur permet d’établir un lien entre leur corps, leur esprit et leurs émotions », explique la chercheuse. On fait aussi des pauses éclair, pendant lesquelles les enfants portent attention à l’instant présent et doivent se demander « quelles sont mes émotions et mes sensations en ce moment». À force de faire ce type d’exercices, les jeunes s’habituent à prendre des micropause­s dans les moments de stress, d’émotivité, d’impulsivit­é ou de malaise, explique Mme Malboeuf-Hurtubise.

Peu d’études

Selon l’Institut de la statistiqu­e du Québec (ISQ), 12% des élèves du secondaire auraient reçu un diagnostic de trouble de santé mentale, comme l’anxiété, la dépression ou le déficit d’attention. «Ces difficulté­s compromett­ent souvent la réussite scolaire», explique Catherine Malboeuf-Hurtubise, dont les recherches en milieu scolaire visent à savoir si l’enseigneme­nt de la «présence attentive» peut les aider à surmonter ces difficulté­s.

À l’heure actuelle, quelques méta-analyses ont montré que la présence attentive et la méditation sont des méthodes prometteus­es pour réduire le stress et l’anxiété chez les jeunes, augmenter leur bien-être et les aider à avoir une meilleure gestion de leurs émotions. «Mais pour ce qui est de la dépression, de la santé mentale, on ne sait pas encore», explique la chercheuse. Quant aux bienfaits que les jeunes en retirent, «des recherches, comme celles menées par Nancy Heath à l’Université McGill, indiquent qu’une seule pratique hebdomadai­re de la méditation pourrait être suffisante à l’école ».

« La présence attentive n’est pas une méthode universell­e. Chez certains jeunes et dans certains contextes, la méditation pourrait même augmenter l’anxiété ou la détresse psychologi­que. C’est pour ces raisons qu’il faut poursuivre les recherches avant de recommande­r l’implantati­on d’un cours de présence attentive dans les écoles à l’échelle du Québec. » La scientifiq­ue continue donc ses recherches dans des classes ordinaires ainsi qu’avec des élèves qui ont des difficulté­s d’apprentiss­age.

La présence attentive et la méditation sont des méthodes prometteus­es pour réduire le stress et l’anxiété chez les jeunes

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