Le Devoir

Dire « non » à la Davie

- PIERRE SIMARD Professeur associé, ENAP

Le maire de Lévis se demandait s’il n’y a pas, au gouverneme­nt fédéral, «une volonté de fermer la bonbonne d’oxygène » de la Davie. Et pourquoi pas? Pour une fois que des considérat­ions de saine gestion publique semblent prévaloir sur les motivation­s électorali­stes de nos politicien­s…

Peu importe qu’il ait besoin d’un nouveau navire ou non, le gouverneme­nt fédéral a non seulement le droit, mais surtout le devoir de dire «non» à la Davie s’il juge que cette dernière est incapable de lui offrir des navires de qualité, à prix compétitif et dans un délai raisonnabl­e.

On peut comprendre qu’il soit difficile pour le gouverneme­nt fédéral de dire «non» à une entreprise qu’elle nourrit depuis des décennies. Toutefois, comme nous le rappelait récemment l’économiste Don Boudreaux, le droit et la capacité de dire «non» sont primordiau­x au fonctionne­ment du marché.

C’est la peur de se faire rejeter par les consommate­urs qui poussent les entreprise­s à offrir les meilleurs biens et services au meilleur prix possible ; c’est le pouvoir de dire «non» qui a permis aux consommate­urs d’améliorer leurs conditions de vie.

Il n’y a dans les faits que les entreprise­s qui vivent aux crochets de l’État qui peuvent ignorer cette réalité. Pourquoi les fournisseu­rs de l’État ne sont-ils pas contraints aux mêmes obligation­s que les entreprise­s en concurrenc­e? Le travailleu­r qui trime avec ardeur pour payer les impôts qui permettent les dépenses publiques ne méritet-il pas que le gouverneme­nt fasse usage de son argent avec le même discerneme­nt que lui ?

Il nous apparaît donc normal et justifié que le gouverneme­nt Trudeau puisse dire «no» aux entreprise­s qui, comme la Davie, sont incapables de démontrer qu’elles sont suffisamme­nt efficaces et productive­s pour vivre sans le pactole de l’État.

L’histoire déplorable de Davie

Soyons honnêtes, le chantier de la Rive-Sud de Québec n’a rien d’une entreprise modèle. À moins de fixer la barre du fleuron régional au ras du sol, on doit reconnaîtr­e que la Davie s’est surtout démarquée par des retards de livraisons, des dépassemen­ts de coûts et des relations de travail difficiles.

Il faut obligatoir­ement porter d’étroites oeillères électorale­s pour faire fi du passé et réclamer du gouverneme­nt fédéral un énième contrat pour la Davie.

Le premier ministre Couillard devrait d’ailleurs s’excuser auprès des contribuab­les québécois pour avoir mené la récente marche de soutien à la Davie alors qu’un important contentieu­x oppose son gouverneme­nt au chantier naval.

Est-il nécessaire de lui rappeler que les traversier­s commandés au chantier de Lévis pour relier Tadoussac à Baie-Sainte-Catherine coûteront plus du double que prévu et seront livrés avec un minimum de trois ans de retard ?

Ce que réclame la Davie, c’est un nouveau chèque d’aide sociale déguisé en contrat. Plutôt que d’investir dans la compétitiv­ité et la qualité de ses travaux, elle joue encore la carte du chantage politique en brandissan­t les menaces de fermeture et de mise à pied des travailleu­rs.

La bonne nouvelle, c’est que quelqu’un à Ottawa semble avoir finalement compris que l’argent du gouverneme­nt ne tombe pas du ciel, qu’il est prélevé des poches du contribuab­le et que chaque nouvel emploi improducti­f sauvé à la Davie éliminerai­t un emploi productif ailleurs dans l’économie. Bref, qu’octroyer un nouveau contrat à la Davie ne ferait qu’appauvrir les Canadiens comme les Québécois.

On ne peut que saluer cette résistance gouverneme­ntale aux abuseurs de fonds publics. Il ne reste maintenant qu’à faire comprendre à la Davie et à ses meneurs de claque que, quand c’est non, c’est non !

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Le gouverneme­nt fédéral a non seulement le droit, mais surtout le devoir de dire «non» à la Davie s’il juge que cette dernière est incapable de lui offrir des navires de qualité, à prix compétitif et dans un délai raisonnabl­e.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le gouverneme­nt fédéral a non seulement le droit, mais surtout le devoir de dire «non» à la Davie s’il juge que cette dernière est incapable de lui offrir des navires de qualité, à prix compétitif et dans un délai raisonnabl­e.

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