La crise politique reste vive au Honduras
L’opposition appelle à l’action contre la réélection de Juan Orlando Hernandez
Tegucigalpa — L’opposition de gauche au Honduras appelle lundi à de nouvelles manifestations et blocages de routes pour dénoncer la réélection du président Juan Orlando Hernandez, alors que des milliers d’habitants défilent depuis des jours pour s’opposer au résultat du scrutin.
Dimanche, plusieurs milliers de personnes ont à nouveau manifesté contre le «vol» commis selon eux lors du scrutin du 26 novembre, entaché d’accusations de fraudes.
Dans les rues de la capitale, Tegucigalpa, une manifestation a réuni plus de 10 000 sympathisants de l’Alliance opposée à la dictature du candidat de l’opposition, Salvador Nasralla, un ancien présentateur sportif.
En entrevue avec Le Devoir, ce dernier a affirmé que «la rue reste notre seule voie possible de réclamation, car toutes les autres institutions du pays, y compris le tribunal électoral, sont contrôlées par le candidat rival [Juan Orlando Hernandez, président sortant]».
«Dehors JOH» (les initiales du président sortant), ont crié les partisans de l’opposant de gauche Salvador Nasralla, lors d’une marche de trois kilomètres dans la capitale jusqu’à l’ambassade américaine.
La chargée d’affaires des États-Unis, Heide Fulton, «a donné son aval à la fraude du Tribunal suprême électoral» (TSE), a dénoncé auprès de l’AFP Juan Barahona, dirigeant du parti de M. Nasralla, l’Alliance de l’opposition contre la dictature.
La diplomate «est allée dire que les élections étaient transparentes et c’est une fraude tonitruante», a-t-il déclaré lors de la manifestation, dont le cortège était mené par des motards portant pour certains le drapeau rouge et noir du parti de Salvador Nasralla.
Dans la matinée, le TSE avait confirmé la légère avance de M. Hernandez, 49 ans, sur M. Nasralla, 64 ans, à l’issue d’un recomptage partiel.
Le président du tribunal, David Matamoros, a indiqué que le «résultat est conforme» à celui obtenu auparavant donnant une avance de 1,6 point à M. Hernandez après le recomptage depuis jeudi de
quelque 4753 urnes aux bulletins de vote contestés.
« Je manifeste pour mon droit à ce que mon vote soit respecté, c’est moi qui choisis, pas ceux qui ont toujours commandé», a déclaré à l’AFP Antonia Vasquez, commerçante de 51 ans venue défiler contre la réélection du président de droite.
« Le peuple a dit non à la réélection, le président est en train de nous donner le mauvais exemple», a-t-elle ajouté, estimant qu’il ne peut rester au pouvoir « par la force ».
La candidature du chef de l’État était vivement contestée dans le pays car contraire à la Constitution. M. Hernandez s’était prévalu d’une décision favorable du Tribunal constitutionnel pour se présenter à un second mandat.
La polémique a redoublé quand les premiers résultats partiels du TSE ont donné cinq points d’avance à M. Nasralla, un animateur de télévision novice en politique, avant que la tendance ne s’inverse, après des interruptions intermittentes du système informatique électoral.
«Salvador Nasralla a gagné mais [Hernandez] est un corrompu qui dirige toutes les institutions et veut voler les élections », a dénoncé un autre manifestant dimanche, José Pineda, cordonnier de 75 ans.
Le parti de M. Nasralla, qui exige un recomptage total des votes, a déposé vendredi un recours en annulation de l’élection.
Les partisans de chaque camp ont manifesté ces derniers jours pour revendiquer la victoire, plongeant le pays dans la confusion. Des affrontements ont eu lieu entre l’opposition et la police alors que des pillages et blocages des principales rues de la capitale ont été répertoriés.
États-Unis
Dans la foulée de la manifestation qui s’est tenue dans la capitale du Honduras, de nombreux manifestants reprochent aux États-Unis une ingérence dans les élections du pays qui viserait à favoriser Hernandez.
Deux jours seulement après le vote, le département d’État a délivré une certification qui confirme les progrès du Honduras en matière de respect des droits de l’homme et de la lutte contre la corruption, et qui permet de débloquer plusieurs dizaines de millions de dollars d’aide au développement.
«Cette certification en pleine crise est un véritable scandale qui confirme clairement la position des ÉtatsUnis malgré tous leurs discours sur le dialogue et la transparence», estime Dana Frank. «Depuis le coup d’État de 2009, les États-Unis ont maintes fois prouvé leur soutien au régime en place. »
La certification a été confirmée quelques jours avant le début de plus d’une centaine de manifestations à travers le pays, dont presque un tiers ont été violemment réprimées, parfois avec des balles réelles.
Selon un rapport d’un comité des proches de personnes disparues (COFADEH), 14 personnes ont perdu la vie, dont douze manifestants tués par la police militaire, ainsi que deux policiers. On déplore par ailleurs 51 blessés, dont sept graves.
Pour mettre fin aux heurts, le gouvernement a décrété l’état d’urgence et mis en place un couvre-feu du 1er au 8 décembre. À travers le pays, plusieurs groupes de manifestants se sont attelés à le défier en sortant dans la rue pour taper sur leurs casseroles.