Rêves et cauchemars d’immigrants
URBAN TALES XI, IMMIGRANT SONG: FIRST XMAS IN MONTREAL Textes de Dany Laferrière, Marie Barlizo, Michaela Di Cesare, Pascale Rafie, Harry Standjofski et Yvan Bienvenue. Mise en scène de Harry Standjofski. Avec aussi Kenny Wong, France Rolland, Patrick Abellard et Deena Aziz. Une coproduction du Théâtre Urbi et Orbi. Les 14, 15 et 16 décembre, au Théâtre Centaur.
Tout n’est pas perdu pour les nostalgiques des Contes urbains (si, si j’en connais). Le théâtre qui a porté le concept durant deux décennies, La Licorne, est peut-être passé à autre chose depuis quelques années, mais l’autre solitude montréalaise poursuit la tradition. Pour une onzième saison, déjà.
Avec un bar et quelques tables disséminées sur le plateau, le spectacle du Centaur restitue, autant qu’il est possible de le faire dans cette salle, l’atmosphère festive de l’événement fondé par le Théâtre Urbi et Orbi. Les conteurs y apparaissent sous une arche constituée d’un amoncellement de valises. L’édition 2017 est en effet liée par une thématique bien d’actualité : l’immigration. Les six contes relatent le premier Noël montréalais de personnages arrivés des Philippines, d’Haïti ou de… SaintHyacinthe. On reconnaît la touche irrévérencieuse d’Yvan Bienvenue dans ce récit campé dans une église, qui verse dans le grand-guignol. Un texte semblant manquer de cohésion, mais où l’expressive France Rolland se déchaîne.
Fidèles à la tradition, ces Urban Tales offrent ainsi un panorama inégal et diversifié dans ses tonalités. Les rêves d’immigration se transforment en tragédie chez Pascale Rafie, qui adopte le point de vue d’une Libanaise (attachante Deena Aziz), fière maman d’un jeune exilé. Son monologue propose une vision naïvement idéalisée du Canada. Jusqu’à la chute, qui, pour être peut-être prévisible, n’en assomme pas moins. À l’inverse, Dany Laferrière brode tout en légèreté, avec un humour désinvolte et noir rendu avec jubilation par le charismatique Patrick Abellard, au jeu très physique. L’écrivain de l’Académie française s’amuse autour, disons, du thème de la faim du corps…
Il est aussi question d’un repas non conventionnel dans le conte que Michaela Di Cesare sert elle-même avec conviction (bien que sur un débit très rapide pour mon oreille francophone). Un texte bien écrit, où la narration à la troisième personne est utilisée pour refléter le sentiment d’impuissance d’une jeune mère d’origine italienne, qui se sent enterrée à Rivière-des-Prairies.
Campant un artiste turc qui a indisposé le régime et se voit contraint à l’exil, Harry Standjofski puise pour sa part dans l’actualité politique. L’humour un peu goguenard de son monologue se révèle parfaitement jouissif. Aussi metteur en scène, traducteur des trois auteurs francophones, en plus de fournir entre les contes une atmosphère planante à la guitare électrique, Standjofski fait office de véritable artiste à tout faire de l’événement. Un happening qu’il était, je l’avoue, plutôt agréable de retrouver après quelques années de répit.
Les six contes relatent le premier Noël montréalais de personnages arrivés des Philippines, d’Haïti ou de… Saint-Hyacinthe