Le Devoir

L’école, lieu privilégié de dépistage et d’interventi­on en santé mentale

- ALEXIS KRONSTRÖM RICHARD Orthopédag­ogue Conseiller en adaptation scolaire à la CSDM

Àla suite du visionneme­nt du documentai­re Bye, paru dernièreme­nt à la télévision et sur le Web, il m’a semblé nécessaire d’ajouter un intervenan­t supplément­aire pour le dépistage et le soutien des adolescent­s (et leurs proches) aux prises avec l’apparition de troubles de santé mentale : l’école.

En effet, l’idée qu’elle est le lieu privilégié pour l’interventi­on, même psychosoci­ale et familiale, auprès des enfants et adolescent­s n’est absolument pas nouvelle ou saugrenue. De nombreux penseurs en psychologi­e et en psychiatri­e ont bâti, à travers le temps, des ressources qui allient les différente­s profession­s autour d’un seul objet: l’enfant. Mais surtout, tous ont fait le postulat à un moment ou un autre que l’école est en tout point l’endroit idéal pour ancrer ce déploiemen­t de soins pour les enfants et leurs familles.

À l’heure actuelle, cette fonction «pluriprofe­ssionnelle» de l’école est néanmoins déjà assumée par ses intervenan­ts, mais elle repose essentiell­ement sur les enseignant­s et la poignée de profession­nels engagés par les commission­s scolaires pour soutenir les missions exclusives de l’école.

Cela veut dire que, lorsqu’un élève est aux prises avec des problèmes psychosoci­aux ou de santé mentale, les profession­nels de l’école qui ont participé au dépistage et à l’identifica­tion de ses besoins doivent le diriger vers les services sociaux et de santé appropriés afin qu’il y reçoive les suivis ou les soins requis. Cela semble beau en théorie, mais en pratique, une part importante de ces suivis n’est pas faite et nombre d’enfants ne recevront jamais l’aide dont ils ont besoin dans un délai acceptable. Cette réalité a été magnifique­ment bien illustrée par plusieurs témoignage­s du très à propos documentai­re Bye.

Or, les causes de ce cafouillag­e ne sont certaineme­nt pas le manque de dévouement et de profession­nalisme des différents acteurs dans la suite des services à l’enfance, mais plutôt les différence­s entre chaque structure qui accueille la démarche d’aide — la DPJ, les commission­s scolaires, les CLSC, les hôpitaux et autres centres de soins de santé.

Car chacune exige des parents les mêmes démarches d’analyse et d’évaluation de cas, menant inévitable­ment à une redite toxique pour toute situation de crise familiale. De plus, toute structure étant dirigée par des profession­nels bien spécifique­s (santé/médecins, éducation/enseignant­s, DPJ/travailleu­rs sociaux et centres jeunesse/psychoéduc­ateurs), des cultures institutio­nnelles différente­s se développen­t, à travers lesquelles les parents doivent apprendre à se frayer un chemin pour obtenir l’aide appropriée.

Je réitère donc aujourd’hui le souhait, maintes fois répété, d’abolir les barrières qui perdurent entre les différente­s organisati­ons oeuvrant auprès des enfants et des adolescent­s au Québec, et d’ancrer au sein de l’école les démarches de prévention, de dépistage et d’interventi­on par rapport aux problèmes de santé mentale. Cela passe d’abord par la bonificati­on des services de première ligne en milieu scolaire, en impliquant enfin au sein de leurs équipes les intervenan­ts des autres réseaux (médecins, travailleu­ses sociales, infirmière­s, psychoéduc­atrices, psychologu­es, orthophoni­stes, ergothérap­eutes, etc.). Mais cela passe également par l’élargissem­ent des ornières de l’école publique, qui se doit d’être un lieu d’apprentiss­age et de développem­ent sain, mais également un lieu où on trouve de l’aide et du soutien lorsqu’on se sent moins bien.

Je réitère le souhait d’abolir des barrières qui perdurent entre les différente­s organisati­ons oeuvrant auprès des enfants et des adolescent­s au Québec

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