Le Devoir

Aimer l’OM sans dénigrer l’OSM

- STÉPHANE LÉVESQUE Président de l’Associatio­n des musiciens de l’Orchestre symphoniqu­e de Mntréal

Les musiciens de l’Orchestre symphoniqu­e de Montréal (OSM) sont fiers du succès obtenu par l’Orchestre Métropolit­ain (OM) lors de sa récente tournée européenne. Nous ressentons toujours la même fierté envers tous les musiciens et ensembles montréalai­s ou québécois qui ont du succès lors de sorties ou de tournées, qu’il s’agisse d’orchestres, de groupes de musique de chambre, de solistes, de chefs d’orchestre ou de compositeu­rs.

Beaucoup d’entre nous, à l’OSM et à l’OM, ont fait leurs études ensemble, que ce soit dans les conservato­ires et université­s du Québec, d’ailleurs au Canada ou de l’extérieur du pays. Plusieurs musiciens de l’OM se joignent régulièrem­ent à l’OSM à titre de surnumérai­res, d’autres ont étudié auprès de musiciens de l’OSM et nous faisons tous partie d’une communauté musicale montréalai­se talentueus­e, diversifié­e et stimulante.

Dans cette optique, nous trouvons absolument désolant que le chroniqueu­r de musique classique du Devoir, M. Christophe Huss, s’évertue depuis un certain temps à promouvoir une confrontat­ion malsaine entre nos deux orchestres montréalai­s et qu’il ne puisse s’empêcher de célébrer les succès de l’OM en dénigrant l’OSM au passage. Cela est particuliè­rement frappant dans son article du 9 décembre dernier (« Réinventer un modèle pour l’Orchestre Métropolit­ain »).

Dans cet article, on laisse notamment entendre que les musiciens québécois ne se présentent plus aux auditions nationales de l’OSM visant à recruter de nouveaux titulaires, car ils savent que la préférence sera accordée aux musiciens de l’extérieur du Canada. Cette prétention est fausse, si bien qu’au cours des dix dernières années les deux tiers des postes à pourvoir l’ont été à l’issue d’auditions nationales, ajoutant ainsi au contingent de musiciens québécois et canadiens au sein de l’OSM. En outre, plusieurs autres musiciens québécois et canadiens ont obtenu leurs postes à la suite d’auditions internatio­nales, ce qui fait en sorte qu’aujourd’hui plus de la moitié des musiciens de l’OSM sont d’origine québécoise et les trois quarts, d’origine canadienne.

Contrairem­ent à ce qu’affirme M. Huss, la langue principale de travail à l’OSM est le français. Il l’avait d’ailleurs lui-même reconnu dans un article publié le 7 octobre à la suite d’un entretien avec la chef de la direction, Mme Madeleine Careau, au sujet du prochain directeur musical de l’OSM. Affirmer maintenant que l’OSM travaille principale­ment en anglais, en se basant seulement sur le visionneme­nt d’une émission de télévision, ne correspond pas à la réalité.

Au cours de leurs 40 tournées et sorties depuis plus de 50 ans, les musiciens de l’OSM ont toujours été fiers de représente­r Montréal ainsi que tout le Québec et le Canada, tant au pays que sur la scène internatio­nale. Et tant mieux si les musiciens de l’OM sont aujourd’hui animés du même sentiment. Nous pouvons tous célébrer le succès des musiciens d’ici sans dénigrer une organisati­on au profit d’une autre.

Réponse du critique

Les iniquités dont Le Devoir fait état dans ce papier sont formulées par le chef Yannick Nézet-Séguin lui-même, qui réclame plus d’équité pour l’Orchestre Métropolit­ain. Il ne s’agit pas ici de dénigremen­t, mais bien d’une saine comparaiso­n dans un écosystème musical et financier par ailleurs petit et fragile. Loin de promouvoir quelque confrontat­ion malsaine, Le Devoir n’est par ailleurs que l’observateu­r de l’usage fait depuis 15 ans des positions dominantes sur la scène musicale montréalai­se.

La question délicate du recrutemen­t national est également développée par le chef, qui se désole que l’excellence de la formation musicale au Québec ne trouve pas davantage de concrétisa­tion à l’OSM. C’est ce que corroboren­t les récents échos que nous avions du milieu.

Sur l’usage du français à l’OSM, c’est Mme Careau, chef de la direction, qui a indiqué, en entrevue au Devoir le 7 octobre, que la maîtrise du français sera un critère essentiel dans le choix du prochain chef. Nulle part toutefois ne revient-elle sur les pratiques présentes, sur ce qui se passe sur scène, où l’anglais a bel et bien droit de cité. Même pour l’avenir, Mme Careau prend soin de ne pas ouvrir la porte sur la langue qui sera utilisée avec les musiciens, parlant plutôt de la nécessité pour le prochain chef de parler en français « au public, aux médias, à la communauté politique et des affaires».

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