Aimer l’OM sans dénigrer l’OSM
Les musiciens de l’Orchestre symphonique de Montréal (OSM) sont fiers du succès obtenu par l’Orchestre Métropolitain (OM) lors de sa récente tournée européenne. Nous ressentons toujours la même fierté envers tous les musiciens et ensembles montréalais ou québécois qui ont du succès lors de sorties ou de tournées, qu’il s’agisse d’orchestres, de groupes de musique de chambre, de solistes, de chefs d’orchestre ou de compositeurs.
Beaucoup d’entre nous, à l’OSM et à l’OM, ont fait leurs études ensemble, que ce soit dans les conservatoires et universités du Québec, d’ailleurs au Canada ou de l’extérieur du pays. Plusieurs musiciens de l’OM se joignent régulièrement à l’OSM à titre de surnuméraires, d’autres ont étudié auprès de musiciens de l’OSM et nous faisons tous partie d’une communauté musicale montréalaise talentueuse, diversifiée et stimulante.
Dans cette optique, nous trouvons absolument désolant que le chroniqueur de musique classique du Devoir, M. Christophe Huss, s’évertue depuis un certain temps à promouvoir une confrontation malsaine entre nos deux orchestres montréalais et qu’il ne puisse s’empêcher de célébrer les succès de l’OM en dénigrant l’OSM au passage. Cela est particulièrement frappant dans son article du 9 décembre dernier (« Réinventer un modèle pour l’Orchestre Métropolitain »).
Dans cet article, on laisse notamment entendre que les musiciens québécois ne se présentent plus aux auditions nationales de l’OSM visant à recruter de nouveaux titulaires, car ils savent que la préférence sera accordée aux musiciens de l’extérieur du Canada. Cette prétention est fausse, si bien qu’au cours des dix dernières années les deux tiers des postes à pourvoir l’ont été à l’issue d’auditions nationales, ajoutant ainsi au contingent de musiciens québécois et canadiens au sein de l’OSM. En outre, plusieurs autres musiciens québécois et canadiens ont obtenu leurs postes à la suite d’auditions internationales, ce qui fait en sorte qu’aujourd’hui plus de la moitié des musiciens de l’OSM sont d’origine québécoise et les trois quarts, d’origine canadienne.
Contrairement à ce qu’affirme M. Huss, la langue principale de travail à l’OSM est le français. Il l’avait d’ailleurs lui-même reconnu dans un article publié le 7 octobre à la suite d’un entretien avec la chef de la direction, Mme Madeleine Careau, au sujet du prochain directeur musical de l’OSM. Affirmer maintenant que l’OSM travaille principalement en anglais, en se basant seulement sur le visionnement d’une émission de télévision, ne correspond pas à la réalité.
Au cours de leurs 40 tournées et sorties depuis plus de 50 ans, les musiciens de l’OSM ont toujours été fiers de représenter Montréal ainsi que tout le Québec et le Canada, tant au pays que sur la scène internationale. Et tant mieux si les musiciens de l’OM sont aujourd’hui animés du même sentiment. Nous pouvons tous célébrer le succès des musiciens d’ici sans dénigrer une organisation au profit d’une autre.
Réponse du critique
Les iniquités dont Le Devoir fait état dans ce papier sont formulées par le chef Yannick Nézet-Séguin lui-même, qui réclame plus d’équité pour l’Orchestre Métropolitain. Il ne s’agit pas ici de dénigrement, mais bien d’une saine comparaison dans un écosystème musical et financier par ailleurs petit et fragile. Loin de promouvoir quelque confrontation malsaine, Le Devoir n’est par ailleurs que l’observateur de l’usage fait depuis 15 ans des positions dominantes sur la scène musicale montréalaise.
La question délicate du recrutement national est également développée par le chef, qui se désole que l’excellence de la formation musicale au Québec ne trouve pas davantage de concrétisation à l’OSM. C’est ce que corroborent les récents échos que nous avions du milieu.
Sur l’usage du français à l’OSM, c’est Mme Careau, chef de la direction, qui a indiqué, en entrevue au Devoir le 7 octobre, que la maîtrise du français sera un critère essentiel dans le choix du prochain chef. Nulle part toutefois ne revient-elle sur les pratiques présentes, sur ce qui se passe sur scène, où l’anglais a bel et bien droit de cité. Même pour l’avenir, Mme Careau prend soin de ne pas ouvrir la porte sur la langue qui sera utilisée avec les musiciens, parlant plutôt de la nécessité pour le prochain chef de parler en français « au public, aux médias, à la communauté politique et des affaires».