Le Devoir

Les résultats insuffisan­ts des conférence­s climatique­s

- GROUPE DE RÉFLEXION SUR LE DÉVELOPPEM­ENT INTERNATIO­NAL ET LA COOPÉRATIO­N (GREDIC)

Les récentes conférence­s climatique­s internatio­nales tenues à Bonn en novembre (COP23) et à Paris le 12 décembre (One Planet Summit) ont permis de constater que le réchauffem­ent climatique était loin d’être maîtrisé et que les conséquenc­es dramatique­s, notamment pour les population­s des pays pauvres, étaient de plus en plus inquiétant­es. Les mesures annoncées restent notoiremen­t insuffisan­tes pour faire face aux menaces.

Les deux conférence­s étaient complément­aires: la COP23 orientée sur les mécanismes de la mise en oeuvre de l’Accord climatique de Paris de 2015 et le One Planet Summit sur les financemen­ts. Elles se sont tenues dans un contexte où plusieurs études récentes montrent l’urgence du défi climatique. Ainsi, 15 364 scientifiq­ues de 184 pays viennent de publier un manifeste dénonçant le peu de mesures prises pour contrer le changement climatique potentiell­ement catastroph­ique. Le Programme des Nations unies pour l’environnem­ent (PNUE) affirme que l’augmentati­on des températur­es dépassera 3 °C et que la cible de 2 °C, établie en 2015, était irréaliste par rapport aux actions envisagées. De plus, selon l’étude d’Oxfam, des migrations majeures sont à prévoir de population­s de pays pauvres «déracinées par les changement­s climatique­s». Ainsi, «la montée du niveau de la mer pourrait entraîner la submersion de terres où vivent 280 millions de personnes ».

D’autres études des Nations unies mentionnen­t que les population­s des pays pauvres seront les plus gravement touchées, alors que ce sont essentiell­ement celles des pays riches qui sont responsabl­es des changement­s climatique­s. Ainsi, le rejet de CO2 par habitant est annuelleme­nt de 16 tonnes aux États-Unis, de 14 tonnes au Canada, de 7 tonnes en Chine et de seulement 0,1 tonne dans les pays les plus pauvres! Au total, l’Afrique ne contribue que pour 3% aux émissions mondiales! Selon l’étude d’Oxfam, 50% des émissions de CO2 sont attribuabl­es aux 10% de la population la plus riche et seulement 10% aux 50% de la population la plus pauvre ! Quel paradoxe !

Résultats

Le résultat le plus positif des deux conférence­s est la prise de conscience des dirigeants politiques que l’augmentati­on des températur­es va largement dépasser l’objectif fixé de 2 °C et aura des conséquenc­es plus désastreus­es qu’anticipées. Ainsi, le président français, Emmanuel Macron, a déclaré au One Planet Summit: «on est en train de perdre la bataille. On ne va pas assez vite et c’est ça, le drame. […] On doit tous bouger, car on aura tous à rendre compte ».

Parmi les mesures annoncées qui auront des impacts positifs dans les pays pauvres, citons ceux-ci: la fin des financemen­ts de la Banque mondiale pour l’extraction de pétrole et de gaz ; la création de fonds spécifique­s pour lutter contre la dégradatio­n des terres et la désertific­ation et pour le transfert de l’innovation agronomiqu­e; la mise sur pied d’un groupe de travail sur l’adaptation de l’agricultur­e aux changement­s climatique­s. D’autres initiative­s restent cependant à être financées concernant l’environnem­ent et l’eau.

La conférence de Paris de 2015 avait décidé qu’à partir de 2020, les pays riches mobilisera­ient 100 milliards de dollars par année de sources privées et publiques pour permettre aux pays pauvres de s’adapter aux effets des changement­s climatique­s et de réduire leurs émissions de gaz. Les deux récentes conférence­s n’ont pas permis de progresser significat­ivement vers cet objectif, même si les mesures précédente­s y contribuen­t. Les pays pauvres réclament qu’au moins 50% des fonds soient consacrés aux initiative­s urgentes d’adaptation aux changement­s climatique­s, alors qu’actuelleme­nt ce ne sont que 20%, 80% allant à des investisse­ments pour réduire leurs faibles émissions de CO2. En effet, les investisse­ments privés qui constituen­t une partie de ces fonds ont une meilleure rentabilit­é dans des projets de nouvelles sources d’énergie que dans des projets d’adaptation (réhabilita­tion des sols, digues etc.).

Initiative­s du Canada

En 2015, le Canada avait annoncé un montant de 2,64 milliards de dollars sur cinq ans pour aider les pays pauvres à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre et à s’adapter aux changement­s climatique­s. Lors des dernières conférence­s, le Canada a annoncé un partenaria­t avec la Banque mondiale pour accélérer la transition énergétiqu­e dans les pays en développem­ent. Concrèteme­nt, le Canada a annoncé une contributi­on de 10 millions pour un cofinancem­ent avec des partenaire­s privés d’un parc éolien en Jamaïque.

Ces promesses et mesures sont décevantes, d’autant plus qu’il semble que ces fonds fassent partie de l’enveloppe de l’aide internatio­nale déjà existante. De plus, cette dernière est à son plus bas niveau historique de 0,28% du PIB! C’est une performanc­e désastreus­e de la part du Canada!

Nous encourageo­ns les organisati­ons de la Société civile canadienne à se mobiliser davantage pour inciter le gouverneme­nt à appuyer beaucoup plus les pays pauvres à faire face aux ravages provoqués par les changement­s climatique­s dont nous sommes les premiers responsabl­es.

Le GREDIC: Nicole Saint-Martin, Robert Letendre, Nigel Martin, Yves Pétillon, Mario Renaud et Pierre Véronneau. Anciens directeurs généraux d’organismes de coopératio­n internatio­nale et cadres de l’Agence canadienne de développem­ent internatio­nal (ACDI).

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GEOFFROY VAN DER HASSELT AGENCE FRANCE-PRESSE Manifestat­ion en marge du One Planet Summit

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