Des métaux à valoriser
Les impacts de la mise au rebut de millions de tonnes métriques d’équipements électriques et électroniques chaque année sont complexes. Beaucoup plus complexes que la simple gestion des déchets rapportée dans l’édition du Devoir du 13 décembre.
En fait, cette problématique montre bien toute l’absurdité de nos économies non circulaires (non durables), c’est-à-dire un système basé sur l’extraction, la transformation, l’utilisation et l’élimination par enfouissement ou incinération de biens de consommation courants.
Pourtant, en plus d’être composés de matières plastiques réutilisables, ces déchets électroniques contiennent plusieurs métaux précieux. Il y a donc une perte brute et majeure pour l’économie, comme le soulignait avec justesse la journaliste Pauline Gravel.
«La valeur des matériaux qui auraient pu être récupérés des vieux appareils jetés en 2016 […] atteignait 55 milliards, ce qui excède le produit intérieur brut de la plupart des pays du monde », écrit-elle.
Dans les pays développés, la consommation de métaux par habitant est dix fois supérieure à la moyenne mondiale. En l’espace de 20 à 30 ans, les grands pays consommateurs de ressources ont plus que triplé le nombre de métaux différents utilisés pour les applications industrielles.
Faut-il rappeler qu’il s’agit de ressources non renouvelables ? Pourquoi alors ne pas rapidement mettre en place les équipements et les infrastructures pour récupérer ces métaux? Parce que cette approche n’est pas dans l’ADN de l’industrie.
En fait, la grande majorité des téléphones cellulaires, des ordinateurs ou autres biens électroniques ne sont pas fabriqués pour qu’on en récupère les métaux avec lesquels ils sont faits.
Aucune loi ne force les manufacturiers à miser sur une conception écologique de leurs produits afin de favoriser l’extraction et la réutilisation des matériaux lorsqu’ils ont atteint leur fin de vie utile.
Pis encore, les fabricants conçoivent leurs équipements afin qu’il soit pratiquement impossible d’en extraire les précieux métaux. Rien n’est dû au hasard.
Pourtant, l’extraction de ces métaux a un impact sur l’environnement et la biodiversité, et ce, malgré les efforts des minières pour les atténuer.
Je ne remets pas en question l’utilisation de ces produits. Par contre, il faudrait légiférer pour interdire l’obsolescence programmée des Apple de ce monde, qui utilisent cette stratégie pour nous obliger à jeter nos beaux appareils et à dépenser de nouveau. Mais tout n’est pas sombre. Au Québec, nous pouvons nous réjouir de l’application du principe de responsabilité élargie des producteurs. Il responsabilise les fabricants en ce qui a trait à la récupération et au recyclage des produits qu’ils commercialisent.
Il faut cependant faire plus. Notamment en nous dotant d’une politique d’économie circulaire innovante, qui pourrait permettre de réduire l’extraction à la source et les impacts qui en découlent.
Le temps presse, et une statistique est très éloquente: en une seule génération, l’humanité extraira plus de métaux que pendant toute l’histoire de l’humanité. Vous avez bien lu: pendant toute l’histoire de l’humanité.
Ce constat est troublant. Il devrait nous convaincre de répondre à cet enjeu de manière rapide et ef ficace.