Le Devoir

Des métaux à valoriser

- ISABELLE BÉRUBÉ Maîtrise en environnem­ent En réponse à l’article « Les déchets électroniq­ues s’amoncellen­t à la vitesse grand V» , paru dans Le Devoir du mercredi 13 décembre.

Les impacts de la mise au rebut de millions de tonnes métriques d’équipement­s électrique­s et électroniq­ues chaque année sont complexes. Beaucoup plus complexes que la simple gestion des déchets rapportée dans l’édition du Devoir du 13 décembre.

En fait, cette problémati­que montre bien toute l’absurdité de nos économies non circulaire­s (non durables), c’est-à-dire un système basé sur l’extraction, la transforma­tion, l’utilisatio­n et l’éliminatio­n par enfouissem­ent ou incinérati­on de biens de consommati­on courants.

Pourtant, en plus d’être composés de matières plastiques réutilisab­les, ces déchets électroniq­ues contiennen­t plusieurs métaux précieux. Il y a donc une perte brute et majeure pour l’économie, comme le soulignait avec justesse la journalist­e Pauline Gravel.

«La valeur des matériaux qui auraient pu être récupérés des vieux appareils jetés en 2016 […] atteignait 55 milliards, ce qui excède le produit intérieur brut de la plupart des pays du monde », écrit-elle.

Dans les pays développés, la consommati­on de métaux par habitant est dix fois supérieure à la moyenne mondiale. En l’espace de 20 à 30 ans, les grands pays consommate­urs de ressources ont plus que triplé le nombre de métaux différents utilisés pour les applicatio­ns industriel­les.

Faut-il rappeler qu’il s’agit de ressources non renouvelab­les ? Pourquoi alors ne pas rapidement mettre en place les équipement­s et les infrastruc­tures pour récupérer ces métaux? Parce que cette approche n’est pas dans l’ADN de l’industrie.

En fait, la grande majorité des téléphones cellulaire­s, des ordinateur­s ou autres biens électroniq­ues ne sont pas fabriqués pour qu’on en récupère les métaux avec lesquels ils sont faits.

Aucune loi ne force les manufactur­iers à miser sur une conception écologique de leurs produits afin de favoriser l’extraction et la réutilisat­ion des matériaux lorsqu’ils ont atteint leur fin de vie utile.

Pis encore, les fabricants conçoivent leurs équipement­s afin qu’il soit pratiqueme­nt impossible d’en extraire les précieux métaux. Rien n’est dû au hasard.

Pourtant, l’extraction de ces métaux a un impact sur l’environnem­ent et la biodiversi­té, et ce, malgré les efforts des minières pour les atténuer.

Je ne remets pas en question l’utilisatio­n de ces produits. Par contre, il faudrait légiférer pour interdire l’obsolescen­ce programmée des Apple de ce monde, qui utilisent cette stratégie pour nous obliger à jeter nos beaux appareils et à dépenser de nouveau. Mais tout n’est pas sombre. Au Québec, nous pouvons nous réjouir de l’applicatio­n du principe de responsabi­lité élargie des producteur­s. Il responsabi­lise les fabricants en ce qui a trait à la récupérati­on et au recyclage des produits qu’ils commercial­isent.

Il faut cependant faire plus. Notamment en nous dotant d’une politique d’économie circulaire innovante, qui pourrait permettre de réduire l’extraction à la source et les impacts qui en découlent.

Le temps presse, et une statistiqu­e est très éloquente: en une seule génération, l’humanité extraira plus de métaux que pendant toute l’histoire de l’humanité. Vous avez bien lu: pendant toute l’histoire de l’humanité.

Ce constat est troublant. Il devrait nous convaincre de répondre à cet enjeu de manière rapide et ef ficace.

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OLIVIER ZUIDA LE DEVOIR La grande majorité des biens électroniq­ues ne sont pas fabriqués pour qu’on récupère les métaux avec lesquels ils sont faits.

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