Le Devoir

D’amour et d’humanité

Les 10 meilleurs disques québécois de 2017 d’une même voix

- PHILIPPE PAPINEAU SYLVAIN CORMIER

ALE DEVOIR u lieu de faire deux palmarès de la meilleure musique québécoise de 2017 dans un même journal, pourquoi ne pas en créer un seul à deux? L’exercice entre critiques — qui reste aussi imparfait qu’amusant — implique la discussion, la négociatio­n, l’ouverture, le compromis, l’acceptatio­n, la confiance. D’une seule voix, donc, voici notre sélection.

1. Philippe Brach, Le silence des troupeaux

Son oeuvre majeure. Un troisième album du genre qu’on fait plutôt que mourir. Le grand frisé y a mis tous ses sous, a décanté son génie jusqu’au substrat le plus dense, est allé jusqu’à s’affubler d’un appendice nasal qui fait peur. Ce braque de Brach n’a lésiné sur rien. Quand on aligne les fins du monde dans l’espoir de sauver le monde (comprenne qui peut), on ne chipote pas sur les arrangemen­ts: choeurs, grand orchestre, c’est une arche de Noé musicale. De loin l’album le plus foisonnant et le plus passionnan­t de l’année.

2. Pierre Lapointe, La science du coeur

«L’amour est un spasme qui grise et embrasse la vie», chante Pierre Lapointe dans Comme un soleil. La phrase est à l’image de ce très beau disque: à fleur de peau, poétique, intense. La science du coeur mêle les cordes lyriques de la grande chanson française — Aznavour et Barbara nous viennent souvent en tête — à une approche actuelle qui flirte légèrement avec l’électro. C’est un iota sirupeux, mais Lapointe se montre touchant, accessible, vocalement en plein contrôle.

3. Philippe B, La grande nuit vidéo

Voilà une autre pierre majeure qui s’ajoute à la carrière musicale sans faux pas de Philippe B. Le chanteur, guitariste et pianiste y explore le couple à l’ère de l’omniprésen­ce des écrans, sans que le concept qui traverse le disque devienne ni trop prenant ni anodin. Les touches orchestral­es ajoutent du grandiose à ces bijoux folk, où brille aussi Laurence Lafond-Beaulne (Milk & Bone), qui ponctue le disque de sa voix opaline. Rouge

gorge pourrait se battre fièrement pour le titre de chanson de l’année.

4. Émile Proulx-Cloutier, Marée haute

Pour parler cinéma, le premier album était une série de courts métrages tournés au grand-angle, récits mettant en scène d’immenses et fantastiqu­es personnage­s. Ce deuxième disque multiplie les plans rapprochés. Les femmes s’allient dans La force océane. On entend résonner la langue innue dans Maman, variante de Mommy,

Daddy. On suit pas à pas l’adolescent qui court sa vie dans Joey, la nuit. À la déferlante du monde, Émile oppose la proximité, l’humanité. Ça fait du bien.

5. Beyries, Landing

La chanteuse Amélie Beyries a fait tourner les têtes en 2017 avec un premier disque qui offre bien plus que des promesses. Il y a eu épreuve, victoire et des chansons folk, pop et ambiantes

pour exprimer tout ça, pour atterrir après les tourments. Landing voit valser ensemble un piano qu’on laisse résonner, une guitare en forme de guide rythmique et une voix forte, ferme, en avant-plan. Tout ça est en anglais, sauf une pépite franco chantée avec LouisJean Cormier. Atterrissa­ge réussi.

6. Loud, Une année record

«Ils parlent déjà de l’album de l’année / Pour nous c’est juste l’année de l’album», lance Loud sur son premier disque complet, qui suit un EP très remarqué. Disque de l’année? Un digne compétiteu­r, du moins! Loud se penche sur le succès — le sien — avec une écriture pleine d’esprit et de références, tout en restant très crédible sur la scène rap. Son flot distinctif impression­ne, ses pièces étonnent et sont loin d’être monotones, ni monochrome­s.

7. Tire le coyote, Désherbage

Il a fallu le spectacle au premier festival Mile Ex End pour entendre plus que le trémolo dans la voix de Benoît Pinette. Trop efficaces, ces nouvelles chansons, trop heureuses, ces images, trop justes, ces émotions. En cours de route, mine de rien, le trémolo passait. Bien. Vraiment bien. Instrument complément­aire. Tout ce béton du viaduc, ça avait désherbé. Ne restait que le bon. Pas trop tôt, au quatrième album. Pas trop tard non plus.

8. Leif Vollebekk, Twin Solitude

L’Anglo-Montréalai­s Leif Vollebekk gagnerait à être mis davantage sous les projecteur­s. Sur ce troisième disque, sa musique folk-rock finement ficelée hypnotise, berce, plonge dans une bulle grisante. Il n’y a pas d’extravagan­ces ici, juste un groupe qui joue de la musique avec une certaine lenteur. La batterie est toute simple, les guitares cycliques, les claviers chaleureux. Les cordes sont si douces qu’on les oublie parfois. Et il y a bien sûr la voix fragile de Vollebekk, qui rend ce disque terribleme­nt humain.

9. Laura Sauvage, Beautiful «Insanely bon album», écrit Lisa LeBlanc

à propos de Beautiful sur sa page Facebook. Le troisième disque de Vivianne Roy (des Hay Babies) en tant que Laura Sauvage est bon comme une drogue sans drogue. Instantané­ment bon. En dix secondes d’Everything Is in

Everything, on ressent l’effet. L’attaque du riff de guitare étourdit, on baigne illico dans l’ambiance garagepsyc­h. Le plus beau, c’est qu’on flotte tout l’album durant. Pour clapoter intense, y a pas mieux.

10. Mara Tremblay, Cassiopée

Il s’agissait pour Mara de se distinguer du précédent album, À la manière des anges, moins bien reçu par tout le monde… y compris par elle. Réussite : elle revendique entièremen­t

Cassiopée, la réalisatio­n, le son brut, sa façon, et elle a raison. C’est sans limites, sans concession. Imaginez la Mara la plus douce: elle est là. Rappelez-vous la Mara la plus lâchée lousse : là aussi. Avec ses deux fistons, Victor le batteur, Édouard le compositeu­r. Et l’ex Sunny Duval à la guitare. Le roc du rock, c’est la famille.

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Le silence des troupeaux, l’oeuvre majeure de Philippe Brach. De loin l’album le plus foisonnant et le plus passionnan­t de l’année. PEDRO RUIZ LE DEVOIR
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La chanteuse Amélie Beyries a fait tourner les têtes en 2017 avec un premier disque qui offre bien plus que des promesses. GALIT RODAN LA PRESSE CANADIENNE
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ANNIK MH DE CARUFEL LE DEVOIR L’Anglo-Montréalai­s Leif Vollebekk gagnerait à être mis davantage sous les projecteur­s.

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