Palpitante leçon de cinéma
Tom Shone visite l’univers du réalisateur « badass » Quentin Tarantino
Tarantino Rétrospective
Tom Shone, Paris, Gründ, 2017, 258 pages Pour ce survol de la carrière de Quentin Tarantino, Tom Shone a trouvé le parfait équilibre entre le fond et la forme. Richement illustré de photos montrant des scènes de films, de photos de plateau et de photos de presse, d’un graphisme s’harmonisant avec l’esthétique tarantinesque, Tarantino. Rétrospective propose de solides analyses des oeuvres de ce génie fantasque, qui ébranla la planète cinéma en 1992 avec Reservoir Dogs.
Malgré son quotient intellectuel de 160, Quentin Tarantino n’a jamais brillé en classe à cause de sa dyslexie. Curieux, avide de savoir, le jeune garçon se gave à la télé de films et de séries qui lui inspirent des saynètes. N’ayant pas terminé ses études secondaires, il se trouve un premier boulot dans un cinéma porno, où il ne peut voir les films en raison de son âge.
Alors qu’il travaille dans un club vidéo, le jeune homme se plaît à créer des sections pour les clients. Son plus grand bonheur, c’est de parler de cinéma, parler de cinéma et parler de cinéma. «Il y a si longtemps que, pour moi, le cinéma est la première chose dans ma vie que je ne peux pas me souvenir d’une époque où j’ai vu les choses autrement. »
Bientôt, cela ne lui suffit plus: il veut faire du cinéma! Et il en fera, coûte que coûte. Et ses scénarios, écrits à deux doigts sur sa vieille dactylo, truffés de fautes, compteront parmi les plus originaux. Fort d’un bagage cinématographique colossal, il créera un cinéma grouillant de références et de clins d’oeil.
«Je suis issu d’un couple: ma mère est le cinéma d’art et d’essai, alors que mon père est le cinéma de série B. Ils sont séparés et j’essaie de toutes mes forces de les remettre ensemble, dans tous mes films, à un niveau ou à un autre. »
Cinéphage érudit, cinéaste maniaque, « angry young man » à peine assagi, Tarantino apparaît sous la plume aiguisée de l’auteur dans toute sa flamboyance, ses contradictions et ses obsessions.
Alors qu’il raconte sa jeunesse, ses premières expériences comme scénariste, ses relations avec le producteur Lawrence Bender, la regrettée monteuse Sally Menke, qui était «sa femme de cinéma», l’actrice Uma Thurman — la Mia Wallace de Pulp
Fiction et la mariée de Kill Bill —, Tom Shone trace le portrait d’un homme qui, déçu de la réalité, s’est construit un univers fantasmé au caractère plus autobiographique qu’il ne le laisse paraître.
« Quand je fais un film, je ne fais rien d’autre. Tout tourne autour du film. Je n’ai pas de femme. Je n’ai pas d’enfant. Rien ne peut se mettre en travers de mon chemin… J’ai fait le choix, il y a longtemps, de suivre cette route tout seul. C’est mon temps à moi. C’est mon temps pour faire des films. »
Si la traduction fait parfois tiquer, on dévore ce livre d’un bout à l’autre. Foisonnant de propos du réalisateur «badass», de témoignages d’artistes, d’anecdotes révélatrices et de souvenirs de plateau, où plane discrètement l’ombre des frères Weinstein (de la société de production et de distribution Miramax), Tarantino. Rétrospective s’avère une palpitante leçon d’histoire du cinéma des 25 dernières années.