Petites rééditions et grandes réincarnations
Lorsque le petit papa Noël fait une pause au point médian — oui, oui, oui — qui sépare le moyen du court terme de ses agapes annuelles, les artistes de la réédition en profitent pour se manifester. Comme il se doit d’ailleurs. Aujourd’hui, ces derniers sont britanniques comme dans Brexit. De-que-cé? Ils sont de Soul Jam Records.
Pour ce qui a trait au blues, nos amis « Brits » n’ont pas d’équivalent pour faire de la belle ouvrage sur le flanc de l’archéologie. Depuis peu, les animateurs de Soul Jam Records proposent une série d’albums qui, les uns greffés aux autres, s’avèrent une histoire remarquable du blues, car l’ensemble de ces albums accorde la place qui se doit au blues de Chicago, mais aussi au blues de Los Angeles et de Kansas City.
Des CD mis en vente à 24$ sans les taxes, on a opté pour le Charles
Brown – Drifting Blues ainsi que pour le Little Walter – Just a Feeling, qui couvre la période 1952-1962. En d’autres termes, avec Brown, on a la version cabaret du blues qui distinguait notamment la scène de Los Angeles à Seattle, la version, tout le monde l’aura deviné, champagne et noeud papillon. Avec Little Walter, on a la version west side de Chicago, soit la version prolétaire — oui, oui, oui —, celle des immenses abattoirs. La version électrique et pesante, sans fioritures.
Dans le cas de Brown, Soul Jam Records réintroduit en fait les disques que ce pianiste et chanteur à la voix suave avait enregistrés au milieu des années 1950 pour l’étiquette Aladdin et qui ont fait sa gloire. Si vous aimez les mélopées de T-Bone Walker, de Nat King Cole et des moyennes formations du Kansas City des années 1930, alors ce
Drifting Blues qui comprend 27 morceaux, dont des pièces d’anthologie, devrait vous ravir.
Dans le cas de l’harmoniciste Little Walter, Soul Jam Records reprend les principaux titres qu’il avait gravés pour Chess Records entre 1952 et 1962. Ici, il faut insister sur les formations avec lesquelles il avait travaillé. Aux guitares il y a Muddy Waters, Robert Lockwood Jr., les frères Louis et Dave Myers. Il y a aussi le pianiste Otis Spann, le batteur Fred Below ainsi que le contrebassiste et producteur par excellence Willie Dixon. Bref, tous les cadors du blues de Chicago sont de la partie.
En terminant, soulignons le bon goût iconographique et le souci de précision historique qui singularisent les livrets qui accompagnent ces petites merveilles musicales d’un temps pas si ancien que cela. Chaque fois que le père Noël radine sa fraise moustachue, il y a pléthore de productions. Comme il se doit d’ailleurs. Chaque fois, une ou deux d’entre elles, parfois davantage, se caractérisent par leur originalité et la qualité de la production. Cette année, il revient à l’étiquette montréalaise Justin Time d’avoir fait le grand écart entre l’une et l’autre, entre l’originalité et la qualité.
L’acteur principal de cette prouesse s’appelle Jerry Granelli. Il est batteur. Depuis des lunes et des lunes. Depuis qu’il accompagnait dans les années 1960 le pianiste Denny Zeitlin ou Vince Guaraldi pour son très sympathique
Charlie Brown Christmas. Aujourd’hui, cet homme qui a grandi en Californie mais vit à Halifax, où il a été la cheville ouvrière du festival de jazz et de l’enseignement du jazz, se signale avec un album intitulé Dance Hall.
Celui-ci a été réalisé en compagnie de deux grands guitaristes, Bill Frisell et Robben Ford, et du bassiste Anthony Granelli. Ce Dance Hall a été produit par un maître de la profession: Lee Townsend. Le programme? Il est très particulier. Il est fait de morceaux composés aussi bien par Charles Mingus que par Fats Domino, chantés par Aretha Franklin, Bob Dylan ou Louis Jordan. Bref, le programme en question est très éclectique.
Sur plus d’une pièce, le trompettiste Steven Bernstein est de la partie en tant que maître d’oeuvre des arrangements destinés aux « brass », comme disent les jeunes. Bon, Dance Hall est une contradiction de l’ennui. C’est aussi étonnant que charmant. Dit vulgairement, c’est drôlement bien foutu. Bravo à M. Jerry Granelli. Décidément, c’est l’hécatombe. Le batteur pionnier du free jazz Sunny Murray est décédé à l’âge de 81 ans à Paris. Il avait notamment accompagné le saxophoniste Albert Ayler et le pianiste Cecil Taylor. Le gérant et producteur George Avakian est mort à l’âge de 98 ans. Il avait administré les carrières de Louis Armstrong, de Duke Ellington, de Miles Davis et de Keith Jarrett. Le chanteur Jon Hendricks est décédé à l’âge de 96 ans. C’est bien simple, en plus d’avoir été le point cardinal du trio Lambert, Hendricks & Ross, il a eu une influence déterminante sur tous les chanteurs de jazz d’aujourd’hui. En nomination aux Grammys dont les résultats seront dévoilés le 28 janvier : Fred Hersch, Bill Charlap, Joey DeFrancesco, Chris Potter, Anat Cohen et Billy Childs. À noter que les artisans du film La La Land se retrouvent dans plusieurs catégories.
La bonne nouvelle du jour : le 23 mars, la division Legacy de Columbia/Sony va mettre sur le marché des inédits de Miles Davis avec
John Coltrane. Le titre? Miles Davis & Coltrane – The Final Tour: The
Bootleg Series. Vol 6. En fait, il s’agit de deux spectacles enregistrés à l’Olympia de Paris, de deux autres à Stockholm et d’un à Copenhague.
Soulignons le bon goût iconographique et le souci de précision historique qui singularisent les livrets qui accompagnent ces petites merveilles musicales d’un temps pas si ancien