Le Devoir

Jean-Marc Fournier réclame des excuses

Les allégation­s d’Yves Francoeur ne sont pas fondées, selon l’enquête policière

- MARIE-MICHÈLE SIOUI Correspond­ante parlementa­ire à Québec

Le président de la Fraternité des policiers de Montréal, Yves Francoeur, a été rabroué mardi par le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP) et le ministre JeanMarc Fournier, après qu’une enquête eut conclu qu’« aucune preuve » ne permet d’étayer ses prétention­s sur la fermeture prématurée d’une enquête en raison de pressions politiques.

Au terme d’une enquête qu’elle a menée auprès de 60 personnes, une équipe mixte pilotée par la Sûreté du Québec (SQ) et supervisée par le Bureau des enquêtes indépendan­tes a conclu que les allégation­s d’Yves Francoeur étaient non fondées. «Aucune preuve ne démontre quelque fraude ou trafic d’influence», a-t-elle statué.

Le 27 avril, Yves Francoeur a déclaré au micro du 98,5 FM qu’une enquête de fraude ou de trafic d’influence qui concernait deux élus libéraux, dont un siégeait toujours à l’Assemblée nationale, avait été bloquée en plus haut lieu — et peut-être au sein même du DPCP.

L’affaire avait éclaboussé l’ex-ministre libéral Raymond Bachand et le leader actuel du gouverneme­nt, Jean-Marc Fournier, de même que le directeur du Service de police de la Ville de Québec et ex-directeur des enquêtes de la commission Charbonnea­u Robert Pigeon.

Les deux premiers étaient montrés du doigt parce qu’ils auraient été visés par l’enquête criminelle, tandis que le dernier était mis en cause pour avoir prétendume­nt fait avorter l’affaire.

Or, à la lumière de l’enquête menée par l’équipe mixte, «il n’existe pas de motifs raisonnabl­es de croire qu’une infraction criminelle a été commise par quiconque», lit-on dans le communiqué diffusé mardi.

Un climat «malsain»

«Cette situation est regrettabl­e», a réagi le DPCP. «Lorsque des insinuatio­ns sans fondement sont faites à notre égard, elles minent non seulement la confiance du public envers l’institutio­n du DPCP, mais jettent le discrédit sur tout le système de justice. Cela crée un climat

malsain de suspicion inacceptab­le», a déploré la directrice de l’institutio­n, Annick Murphy, en précisant que «tous les procureurs ont été affectés par cette attaque injustifié­e ».

Quelques heures après l’annonce de la SQ, Yves Francoeur a fait savoir qu’il « prenait acte » de la conclusion de l’enquête. «Aucun commentair­e ne sera émis et aucune entrevue ne sera accordée», a écrit la Fraternité des policiers de Montréal dans un bref communiqué de presse.

Jean-Marc Fournier en colère

Ce mutisme a déclenché la « colère » de JeanMarc Fournier, qui s’est présenté devant les médias pour réclamer des excuses. «Je trouve que ce qui s’est passé est totalement injuste et que le silence de M. Francoeur est inadmissib­le», a-t-il déclaré, maussade. «Il n’y a aucune preuve. Aucune, c’est zéro, rien. Il n’y a rien à cette histoire-là. Et je ne l’entends pas, et il [Yves Francoeur] ne fait aucun commentair­e. C’est business as usual. Ça me semble intenable dans un système comme le nôtre. »

Le ministre s’est trouvé d’autant plus contra- rié par le fait que les allégation­s ont été formulées par un policier, qui a selon lui «sali des gens». «Je ne souhaite à personne avec ses proches de subir ça», a-t-il dit, sans écarter la possibilit­é d’intenter une poursuite. « Je ne suis pas là-dedans pour l’instant», a-t-il néanmoins affirmé.

Le policier Robert Pigeon n’a pas souhaité réagir à la nouvelle. En septembre, quand les allégation­s le concernant étaient sorties dans les médias, il avait dit d’Yves Francoeur qu’il était une «honte pour la profession». «Je trouve ça absolument épouvantab­le pour un policier de carrière de faire preuve d’autant de négligence », avait-il déclaré au Devoir.

Le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, a fait preuve de davantage de réserve. Il a néanmoins déploré les impacts de la déclaratio­n-choc d’Yves Francoeur. «C’était très sérieux, ça peut miner la crédibilit­é des institutio­ns au sein de la population. Ça sème des doutes, ça fait en sorte que ça alimente le cynisme, alors il faut que ça soit sérieux, donc ça méritait d’être vérifié sérieuseme­nt», a-t-il affirmé. Il a ajouté «prendre note» des résultats de l’enquête. «Je pense que la population doit en prendre note », a-t-il aussi suggéré.

 ?? JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE ?? Le silence de son accusateur rend le ministre Jean-Marc Fournier furieux, et il exige des excuses publiques d’Yves Francoeur.
JACQUES BOISSINOT LA PRESSE CANADIENNE Le silence de son accusateur rend le ministre Jean-Marc Fournier furieux, et il exige des excuses publiques d’Yves Francoeur.

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