Le Devoir

Le palmarès francophon­e.

Les 10 meilleurs disques de la francophon­ie en 2017 selon nos critiques Sylvain Cormier et Philippe Papineau.

- SYLVAIN CORMIER PHILIPPE PAPINEAU

Il se peut que nous ayons laissé passer une merveille ou deux, mais bon, les disques de France et des alentours traversent de moins en moins la grande mare. Et on attend les artistes. Plaignons-nous amèrement, mais consolonsn­ous avec cette dizaine valeureuse.

1. Blitz, Étienne Daho

(Mercury France). Vingtsix ans après l’ondulant Paris ailleurs, il nous a encore et toujours, le bel Étienne. Le timbre si beau, les mélodies si gouleyante­s, la souplesse du tempo, tout est aussi séduisant, voire plus. Guitare languissan­te, emprunts assumés à Syd Barrett, aux Zombies et à Brian Wilson, c’est jouissif. Le propos? Le Blitz sur Londres en 1940 et les récents attentats terroriste­s. Remarquez, les paroles se perdent, tant les phonèmes caressent: c’est l’effet Daho. La sensualité l’emporte sur le sens.

2. L’un de nous, Albin de la Simone (Tôt ou tard). Résumons: deux jours dans l’ancien studio Vogue pour l’ossature piano-voix, puis l’habillage, tout autour, juste ce qu’il faut — ici une scie, là des cordes, des percussion­s étranges, de la harpe. Beaucoup de musicienne­s, de voix de femmes, dont celle de Vanessa Paradis. Pochette par Sophie Calle. Et, pour ainsi dire, seulement des chansons d’amour pas ordinaires. Pour toutes ces raisons, ce cinquième album est absolument exquis. 3. Lamomali, -M-, Toumani et Sidiki Diabaté (Wagram). Voici un album de rencontres pour Matthieu Chedid. Rencontre avec le Mali et sa musique d’abord, et rencontres avec de multiples artistes de talent qui viennent participer à ce bijou de disque. -M- collabore intimement avec les joueurs de kora Toumani et Sidiki Diabaté, mais aussi avec le rappeur Oxmo Puccino, Amadou et Mariam, le trompettis­te libanais Ibrahim Maalouf, le Brésilien Seu Jorge et bien d’autres. Lamomali tisse brillammen­t toutes ces influences en un résultat apaisant, plein d’espoir, de coeur, d’humanité. Du grand art. 4. Rest, Charlotte Gainsbourg (Because). Écorchée par la mort de certains de ses proches et peut-être poussée par la vie qui reste, Charlotte Gainsbourg a décidé d’assumer l’écriture — en majorité — en français, et ça lui va très bien. On sent des clins d’oeil à son célèbre père dans certains titres de ce disque réalisé par le producteur électro Sebastian. Le son rétrofutur­iste du disque — imaginez Daft Punk qui rencontre Vangelis et Mylène Farmer — est dense, prenant et nous fait voyager avec intensité. On a déjà hâte à ce qui viendra après Rest.

6.

5. À nos amours, Julien Clerc (Parlophone). La surprise in extremis de l’année. Cette liste était terminée quand j’ai finalement déballé ce disque. Le grand orchestre a fait des pirouettes et j’étais conquis. Pensez 19681972, ce type d’arrangemen­ts où cordes, vents et bois tournoient et tournoient. Pensez Alouette, alouette, par Gilles Dreu, ou La cavalerie, tiens, par… Julien Clerc. Eh bien, c’est l’approche Calogero, qui signe les orchestrat­ions. Julien, pas chiche, a fourni les mélodies idoines. Essayez de résister! De la grande chanson populaire, c’est ça.

Mauve, Féfé (Mercury). Ce troisième disque du chanteur français connu avec le Saïan Supa Crew lui permet de renouer avec des racines africaines, en plus de les mêler à un monde funk, reggae, R & B et, bien sûr, rap. Féfé parle de ce qui l’entoure, la vie, l’amitié et distille ça en chansons accrocheus­es, oscillant entre des ballades plus lentes (Aussi fort) et des pièces plus mordantes (Naija, MVLV). «Pas de quoi faire un roman, ou le buzz du moment», chante-t-il. Non, mais de quoi faire un fort bon disque. 7. À peu près, Pomme (Polydor). On savait depuis le minialbum de l’an dernier qu’elle avait la chanson à la fois toute neuve et très folky, quelque part entre Judy Collins, Jeanne Moreau et Marie Laforêt. Le premier album complet de la jeune chanteuse française Claire Pommet, dite Pomme, renforce l’impression : ces pickings de guitare acoustique, cette voix au timbre délicieuse­ment poreux, au registre étonnant, tout est mûr. Et tout est beau.

8. Vers les ourses polaires, Tim Dup (Duperray/Sony). Déjà un jeune frère pour Vianney? Un autre enfant très légitime de Michel Berger ? Découverte: Tim Dup, 21 ans, qui chante comme s’il était en équilibre (précaire) sur un fil tendu entre la chanson franco-française de bon aloi et l’électro planétaire. De cette tension naît l’émotion: il y a quelque chose de désespéré dans ses airs graciles et plombés à la fois. Et aussi de la joie.

9. Un coup de queue de vache, Thomas Fersen

(Believe). Nouvelle étiquette, nouveau voyage, de la campagne à la ville. Après toutes ces années chez Tôt ou tard, ce n’est pas anodin. Notre cher Toto en profite pour alterner histoires d’animaux et histoires d’hommes, entre le conte et la chanson paillarde, avec des rimes riches et des expression­s ravivées. Ici une séance de kiné un peu violente, là une liste de tatouages sur un air tendre. La manière Fersen qu’on aime, quoi. 10. Zanaka, Jain (Columbia). Jain avait déjà été consacrée «artiste féminine de l’année» aux Victoires quand l’album nous est parvenu. Constatons: son électro-pop a de l’Afrique, de l’Inde, du Moyen-Orient dans le corps. Normal, la petite Jeanne Louise Galice a suivi le pipeline: un paternel dans le pétrole, une maman franco-malgache qui aime Miriam Makeba. Ça donne ce disque où Jain est bien triste de quitter tout le temps ses amours et amis, mais compense en énergie bondissant­e.

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Les albums des Français Étienne Daho, Charlotte Gainsbourg et Tim Dup ont été élus parmi les meilleurs albums de la francophon­ie en 2017.
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