Les soins en santé mentale se font attendre
Un patient à l’urgence attend 133 minutes en moyenne avant d’être pris en charge
Même lorsque leur état est considéré comme «grave», les patients atteints de troubles de santé mentale attendent en moyenne plus de deux heures à l’urgence avant de voir un médecin.
C’est l’une des conclusions du dernier rapport de la commissaire à la santé et au bienêtre, Anne Robitaille, qui se penche pour la toute première fois sur l’utilisation des urgences pour des problèmes de santé mentale au Québec.
Quelque 226 000 personnes se sont rendues à l’urgence pour des troubles de santé mentale en 2016-2017, constate-t-elle. Cela représente 6% de toutes les visites dans les urgences du Québec.
Près du tiers (31 %) des patients présentaient des troubles légers (anxiété, crise situationnelle), plus du tiers (37%) avaient des troubles modérés (comportement violent, dépression, automutilation) et plus d’une visite sur dix (11%) était en raison d’un trouble grave (tentative de suicide, idées suicidaires, hallucinations). Enfin, 19 % étaient en état d’intoxication.
Attente
Toutes catégories confondues, le temps d’attente moyen à l’urgence pour voir un médecin en santé mentale est de 2 heures 13 minutes (133 minutes). Pour ceux qui présentent un état grave, la moyenne est à peine moindre, soit 121 minutes.
C’est à Laval que le délai de prise en charge est le plus long, avec une moyenne d’environ 3 heures (185 minutes) avant de voir un médecin. À l’opposé, c’est dans la région de Chaudière-Appalaches que l’attente est la moins longue, avec un temps moyen de 68 minutes.
Un peu plus de 6 % des patients quittent l’urgence sans avoir vu un médecin, et ceux qui restent passent en moyenne 12,5 heures à l’urgence. « C’est en moyenne 3,8 heures de plus que les visites à l’urgence en santé physique, dont le séjour moyen est de 8,7 heures», précise la commissaire.
Environ le tiers des patients qui se présentent à l’urgence pour des raisons de santé mentale obtiennent une consultation avec un psychiatre, et ce, dans un délai moyen de 8,2 heures. «Ce délai est sensiblement plus long (environ une heure de plus) que celui pour obtenir une consultation d’un spécialiste en santé physique», ajoute la commissaire Anne Robitaille.
Santé physique
Cette dernière s’intéresse également aux soins en santé physique dans les urgences du Québec. Ainsi, depuis les trois dernières années, elle note « une amélioration de la situation pour l’ensemble des indicateurs à l’étude, ce qui est encourageant ».
Elle constate une baisse de 10 % des temps d’attente pour l’accès aux spécialistes dans les urgences, de même qu’une «nette augmentation» des cas qui sont dirigés vers les services de première ligne dans la communauté tels que les cliniques sans rendez-vous ou les cabinets privés, traduisant ainsi «un certain changement de pratique qui va dans le sens souhaité ».
Tout n’est pas réglé puisque «le vieillissement de la population a annulé une partie des gains réalisés», précise-t-elle.
«À la suite des importantes réformes mises en place dans le réseau de la santé et des services sociaux ces dernières années, il faut continuer à suivre régulièrement la situation dans les urgences du Québec afin de pouvoir constater les effets de ces réformes et de surveiller en continu l’atteinte des objectifs, particulièrement en ce qui concerne l’amélioration de l’accès aux soins et services de santé», conclut la commissaire Anne Robitaille.
Mais ce n’est pas elle ni aucun autre commissaire à la santé et au bien-être qui sera en mesure de faire ce suivi. En effet, le ministre a enrayé ce poste, s’appropriant une partie des pouvoirs d’évaluation. La commissaire, qui mettra la clé dans la porte dans les prochains jours, signait ainsi son dernier rapport.