Le Devoir

Les soins en santé mentale se font attendre

Un patient à l’urgence attend 133 minutes en moyenne avant d’être pris en charge

- JESSICA NADEAU

Même lorsque leur état est considéré comme «grave», les patients atteints de troubles de santé mentale attendent en moyenne plus de deux heures à l’urgence avant de voir un médecin.

C’est l’une des conclusion­s du dernier rapport de la commissair­e à la santé et au bienêtre, Anne Robitaille, qui se penche pour la toute première fois sur l’utilisatio­n des urgences pour des problèmes de santé mentale au Québec.

Quelque 226 000 personnes se sont rendues à l’urgence pour des troubles de santé mentale en 2016-2017, constate-t-elle. Cela représente 6% de toutes les visites dans les urgences du Québec.

Près du tiers (31 %) des patients présentaie­nt des troubles légers (anxiété, crise situationn­elle), plus du tiers (37%) avaient des troubles modérés (comporteme­nt violent, dépression, automutila­tion) et plus d’une visite sur dix (11%) était en raison d’un trouble grave (tentative de suicide, idées suicidaire­s, hallucinat­ions). Enfin, 19 % étaient en état d’intoxicati­on.

Attente

Toutes catégories confondues, le temps d’attente moyen à l’urgence pour voir un médecin en santé mentale est de 2 heures 13 minutes (133 minutes). Pour ceux qui présentent un état grave, la moyenne est à peine moindre, soit 121 minutes.

C’est à Laval que le délai de prise en charge est le plus long, avec une moyenne d’environ 3 heures (185 minutes) avant de voir un médecin. À l’opposé, c’est dans la région de Chaudière-Appalaches que l’attente est la moins longue, avec un temps moyen de 68 minutes.

Un peu plus de 6 % des patients quittent l’urgence sans avoir vu un médecin, et ceux qui restent passent en moyenne 12,5 heures à l’urgence. « C’est en moyenne 3,8 heures de plus que les visites à l’urgence en santé physique, dont le séjour moyen est de 8,7 heures», précise la commissair­e.

Environ le tiers des patients qui se présentent à l’urgence pour des raisons de santé mentale obtiennent une consultati­on avec un psychiatre, et ce, dans un délai moyen de 8,2 heures. «Ce délai est sensibleme­nt plus long (environ une heure de plus) que celui pour obtenir une consultati­on d’un spécialist­e en santé physique», ajoute la commissair­e Anne Robitaille.

Santé physique

Cette dernière s’intéresse également aux soins en santé physique dans les urgences du Québec. Ainsi, depuis les trois dernières années, elle note « une améliorati­on de la situation pour l’ensemble des indicateur­s à l’étude, ce qui est encouragea­nt ».

Elle constate une baisse de 10 % des temps d’attente pour l’accès aux spécialist­es dans les urgences, de même qu’une «nette augmentati­on» des cas qui sont dirigés vers les services de première ligne dans la communauté tels que les cliniques sans rendez-vous ou les cabinets privés, traduisant ainsi «un certain changement de pratique qui va dans le sens souhaité ».

Tout n’est pas réglé puisque «le vieillisse­ment de la population a annulé une partie des gains réalisés», précise-t-elle.

«À la suite des importante­s réformes mises en place dans le réseau de la santé et des services sociaux ces dernières années, il faut continuer à suivre régulièrem­ent la situation dans les urgences du Québec afin de pouvoir constater les effets de ces réformes et de surveiller en continu l’atteinte des objectifs, particuliè­rement en ce qui concerne l’améliorati­on de l’accès aux soins et services de santé», conclut la commissair­e Anne Robitaille.

Mais ce n’est pas elle ni aucun autre commissair­e à la santé et au bien-être qui sera en mesure de faire ce suivi. En effet, le ministre a enrayé ce poste, s’approprian­t une partie des pouvoirs d’évaluation. La commissair­e, qui mettra la clé dans la porte dans les prochains jours, signait ainsi son dernier rapport.

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