Le Devoir

La culture de cannabis reste une décision risquée pour les producteur­s agricoles

- AMÉLI PINEDA

La production de cannabis peut paraître alléchante pour plusieurs cultivateu­rs, mais le Québec ne risque pas de subir un virage vert qui mettrait fin à la culture de tomates, de concombres et de laitues, assurent des experts.

«Le marché du cannabis en est un immature. Personne ne peut prévoir le rendement des entreprise­s qui se lancent dans la production de cannabis d’ici les deux prochaines années », souligne Sylvain Charlebois, professeur à la Faculté de management et d’agricultur­e de l’Université Dalhousie.

Lundi, un des plus importants producteur­s de tomates, Les Serres Bertrand, a annoncé qu’il se recycle dans la production de cannabis. L’entreprise québécoise s’est associée au producteur de marijuana Canopy Growth pour faire pousser 60 tonnes de cannabis par année dans ses serres de Mirabel.

La demande de permis a été présentée lundi à Santé Canada, qui octroie les permis de production de marijuana médicale en attendant la légalisati­on de la marijuana récréative. Les partenaire­s visent les deux marchés, lorsque le second sera légalisé.

Selon le président des Producteur­s en serre du Québec (PSQ), la conversion des Serres Bertrand, devenue Les Serres Vert Cannabis, est un «geste intéressan­t», qui ne devrait toutefois pas se traduire par une vague de transforma­tions de cultivateu­rs de légumes en producteur­s de cannabis.

«Les millions de dollars sont apparus et cette entreprise y a vu une occasion d’affaires. Est-ce qu’il y a d’autres cultivateu­rs qui seraient désireux de se lancer dans la production de cannabis? Oui, sans doute, mais ça prend des sous, et je ne crois pas qu’ils veulent prendre le risque d’investir des millions quand on ne sait pas encore ce qui attend ce marché», dit André Mousseau, des PSQ.

Importants défis

M. Mousseau a surtout plaidé dans les derniers mois pour que les producteur­s en serre puissent bonifier et compléter leurs production­s de fruits, de légumes ou de fleurs avec du cannabis.

«Il y a des cultivateu­rs qui aimeraient diversifie­r leur production, mais il y a d’importants défis pour répondre aux exigences de Santé Canada», fait valoir celui qui possède une serre de cactus.

«Avant d’arriver à répondre à tous les critères, il faut investir au moins un million de dollars. Ce n’est pas tout le monde qui veut prendre le risque d’emprunter pour quelque chose d’incertain.»

La lourdeur des processus actuels freine le virage vert, explique Bruno Larue, professeur au Départemen­t d’économie agroalimen­taire et sciences de la consommati­on à l’Université Laval.

«Il y a un processus et, du point de vue réglementa­ire, c’est quand même assez lourd. Oui, les profits possibles font en sorte que des gens sont prêts à passer à travers, mais en même temps, rien ne garantit l’obtention d’un permis de Santé Canada», rappelle M. Larue.

Actuelleme­nt, le Québec ne compte que deux producteur­s approuvés par le gouverneme­nt fédéral: Hydropothe­cary, à Gatineau, et Aurora, dont l’usine est à Pointe-Claire. Au moins 197 demandes étaient toujours à l’étude il y a dix jours.

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