Le Devoir

Les patients québécois doivent être entièremen­t couverts partout au Canada

- DR CHARLES S. SHAVER Président de la section de médecine interne générale de l’Ontario Medical Associatio­n (Associatio­n médicale de l’Ontario)

Les soins hospitalie­rs sont entièremen­t mobiles au sein du Canada, mais contrairem­ent aux autres provinces et territoire­s, le Québec a refusé de signer une entente bilatérale de facturatio­n réciproque pour les services de médecine. Les Québécois cherchant à obtenir des traitement­s médicaux dans une autre province remarquent que les médecins refusent leur carte d’assurance maladie. Ils doivent payer d’avance et espérer un remboursem­ent partiel (souvent la moitié du montant payé) par le gouverneme­nt du Québec. Cela touche plusieurs groupes de personnes.

À l’approche du temps des Fêtes, certains Québécois souhaitent visiter des amis et des parents dans d’autres provinces. Ceux souffrant de conditions préexistan­tes ne devraient pas se sentir empêchés de voyager par peur de développer une maladie inattendue et de se trouver obligés de payer des frais médicaux exorbitant­s. Une assurance voyage n’est habituelle­ment pas offerte pour des services prétendume­nt couverts par l’assurance maladie provincial­e. En outre, les polices excluent souvent les complicati­ons liées à une condition préexistan­te et ne couvrent pas une personne ayant changé de posologie pour un médicament de trois à six mois avant de voyager.

Les Québécois qui déménagent de façon permanente dans une autre province sont «couverts» les trois premiers mois par l’assurance maladie du Québec; pourtant, très peu de médecins acceptent la carte d’assurance maladie du Québec. C’est particuliè­rement vrai pour les milliers d’immigrants provenant des États-Unis ayant récemment migré au Québec, qui ont obtenu un permis de travail et qui souhaitent trouver un emploi dans une autre province ou un autre territoire.

La santé des patients est affectée

L’ouest du Québec est aux prises avec une sévère pénurie de médecins de famille et de spécialist­es. Par conséquent, les résidents de ces régions cherchent souvent volontaire­ment des médecins à Ottawa, à Pembroke, à Hawkesbury et dans les autres villes bordant le long de la frontière. Le manque d’avantages médicaux mobiles n’est pas qu’un problème de nature financière ; il peut aussi soulever de pénibles difficulté­s et nuire à l’état de santé des patients. Un article de Caroline Alphonso, publié dans le Globe and Mail en novembre 2010, portait sur un homme atteint d’un carcinome du côlon qui demeurait de l’autre côté de la rivière des Outaouais. L’anesthésis­te de l’hôpital d’Ottawa a refusé de le voir à cause de son assurance maladie du Québec. Il a docilement attendu quelques semaines avant de pouvoir recourir à une chirurgie à Montréal. À ce moment, son abdomen était envahi par des métastases ganglionna­ires. On a dû le soumettre à un traitement à doses élevées, et il a ensuite souffert d’une occlusion intestinal­e et d’autres complicati­ons. Il n’a plus jamais pu manger de nourriture solide et il est décédé quelques années après. Ce n’est certaineme­nt pas un cas isolé.

Entre-temps, les politicien­s québécois et fédéraux continuent à ignorer le problème, tandis qu’Ottawa ne fait respecter qu’une partie de la Loi canadienne sur la santé. Cela a été souligné dans la lettre de mandat que le premier ministre Justin Trudeau a envoyé à la nouvelle ministre de la santé fédérale, Ginette Petitpas Taylor. La lettre en question imposait à cette dernière d’affirmer de manière claire que les frais en sus et les frais d’utilisateu­r sont illégaux en vertu du système public de soins de santé du Canada. Malheureus­ement, Ottawa continue d’ignorer les dépenses probables qu’entraînent les personnes nécessitan­t des soins médicaux à l’extérieur du Québec.

Le Québec redoute que ses propres médecins exigent la parité des frais si le fédéral rémunère mieux les médecins de l’Ontario et des autres provinces. Selon l’Institut canadien d’informatio­n sur la santé, le paiement clinique brut moyen par médecin se situait, au Québec, à 92% de la moyenne canadienne, et à 85% de la moyenne des médecins d’Ontario, d’Alberta et de Saskatchew­an en 2014-2015.

De plus, le Québec a toujours affirmé que la prestation des soins de santé est une compétence relevant entièremen­t des provinces. Je suis grandement en accord. Cependant, pour les patients traités dans les autres provinces, la province concernée est-elle celle du patient ou du médecin traitant? Cela requiert la supervisio­n et l’interventi­on du gouverneme­nt fédéral; il est du devoir Ottawa de faire en sorte que les patients québécois soient entièremen­t couverts à l’échelle du Canada.

Faire pression

Si cela ne peut contraindr­e le Québec à se conformer à l’article 11 de la Loi canadienne sur la santé, une solution judicieuse pourrait être le paiement directemen­t par le gouverneme­nt fédéral pour les patients hors province. Il le fait déjà pour les prisonnier­s fédéraux, les réfugiés (par le truchement du Programme fédéral de santé intérimair­e), et il le faisait jusqu’à tout récemment pour les membres de la GRC. J’estime qu’il s’agit d’un coût d’environ 175 millions de dollars, soit 0,7% du coût total des services médicaux payés dans l’ensemble du Canada, ce qui représente un montant abordable.

Si les Québécois estiment que c’est un problème qui doit être résolu après 30 ans de tergiversa­tion, ils doivent mettre de la pression sur les politicien­s fédéraux.

Ces tentatives sont parfois couronnées de succès. Remarquez que, très récemment, grâce à la pression des groupes de revendicat­ion, la secrétaire parlementa­ire du ministre du Revenu national, Kanal Khera, s’est excusée et a affirmé que l’Agence du revenu du Canada reviendrai­t à sa précédente interpréta­tion des critères d’admissibil­ité aux crédits d’impôt des patients aux prises avec le diabète sucré de type 1.

Avec un peu de chance, Trudeau et Petitpas Taylor permettron­t aux Québécois de profiter de la transférab­ilité des avantages et de l’accès complet aux soins médicaux dont profitent les autres Canadiens.

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GETTY IMAGES Les Québécois cherchant à obtenir des traitement­s médicaux dans une autre province remarquent que les médecins refusent leur carte d’assurance maladie. Ils doivent payer d’avance et espérer un remboursem­ent partiel par le gouverneme­nt du Québec.

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