Le Devoir

Critique cinéma : Trip à trois, la «beigitude» des choses

Mélissa Désormeaux-Poulin s’encanaille dans Le trip à trois de Nicolas Monette

- MANON DUMAIS

LE TRIP À TROIS

Comédie de Nicolas Monette. Avec Mélissa Désormeaux-Poulin, Martin Matte, Anne-Élisabeth Bossé, Geneviève Schmidt, Bénédicte Décary, Karine Gonthier-Hyndman et RémiPierre Paquin. Canada (Québec), 2017, 91 minutes.

Épouse fidèle, mère dévouée, employée modèle, Estelle (Mélissa Désormeaux-Poulin), la mi-trentaine, réalise que sa vie manque de piquant lorsqu’une promotion lui échappe au profit d’une collègue plus jeune et plus flamboyant­e (Karine GonthierHy­ndman). Bref, madame est un peu plate…

En discutant avec sa soeur (Bénédicte Décary), croqueuse d’hommes en série, et ses copines, l’une mère indigne au bord de la crise de nerfs (Anne-Élisabeth Bossé), l’autre éternelle célibatair­e (Geneviève Schmidt), elle décide alors d’organiser un trip à trois dans le dos de son chum Simon (Martin Matte).

En apprenant la nouvelle, Simon annonce à Estelle qu’il est prêt à tenter l’expérience. Bientôt, le couple en panne de désir comprend que même les fantasmes les plus convenus ne se concrétise­nt pas aussi facilement qu’au cinéma.

À la fin des années 1960, le cinéma québécois a dénudé les jeunes filles sages et les femmes au foyer afin d’offrir aux spectateur­s de médiocres comédies coquines. Rassurez-vous, ce n’est pas du tout dans cette veine-là que s’inscrit la comédie du réalisateu­r Nicolas Monette (Aurélie Laflamme. Les pieds sur terre) et du scénariste Benoît Pelletier (Le sens de l’humour d’Émile Gaudreault). Sans aller jusqu’à dire que Le trip à trois est une comédie familiale, le tout se rapproche davantage de la prude sitcom que de ce qu’on appelait à l’époque un film de fesses.

En fait, Le trip à trois emprunte davantage aux comédies américaine­s folichonne­s à la Bridesmaid­s ou à la Bad Moms, avec un soupçon de Sexe à New York — Estelle n’est pas sans rappeler la romantique Charlotte au sein de ce quatuor sympathiqu­e qui l’encourage à s’encanaille­r pour sauver son couple. Dans son illustrati­on des aléas de la vie conjugale, Le trip à trois pourrait faire office du pendant féminin et lumineux du Mirage de Ricardo Trogi et Louis Morissette. Certes, ce ne sont pas tous les personnage­s qui ont droit à un happy-end, mais la comédie n’abandonne pas le spectateur sur une note amère.

Par la présence de Martin Matte, qui a pris du galon depuis sa désastreus­e expérience dans Nitro et qui laisse le champ libre à sa partenaire, l’ensemble évoque également un long épisode des Beaux malaises. Le rythme y est tonique, le ton léger et les répliques amusantes. Rompue aux rôles dramatique­s, Mélissa Désormeaux-Poulin fait montre d’un bel aplomb dans le registre comique. À ses côtés, Karine GonthierHy­ndman fait mouche à chacune de ses apparition­s, tandis que Bénédicte Décary, Anne-Élisabeth Bossé et Geneviève Schmidt s’en donnent à coeur joie à s’échanger des propos salaces.

Au bout de compte, Le trip à trois est une comédie plus polissonne que vulgaire, plus sage que sulfureuse sur l’empowermen­t féminin où l’on célèbre les petits bonheurs de la vie à deux. Et avec tous les attristant­s et révoltants témoignage­s lus ou entendus dans la foulée de l’affaire Weinstein, cette comédie où l’on rigole sainement de sexualité apparaît presque comme un baume au coeur.

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