Le Devoir

Kurdistan: la rue se lève contre la corruption

- SHWAN MOHAMAD à Souleimani­yeh

Le sang a coulé mardi lors de manifestat­ions hostiles au gouverneme­nt régional du Kurdistan irakien, accusé de corruption et fustigé pour son incapacité à juguler la crise économique et sociale.

Selon des sources médicales, les affronteme­nts entre les forces de l’ordre et les manifestan­ts ont fait au moins 5 morts par balle et près de 200 blessés.

Pour la seconde journée, les protestata­ires ont brûlé les sièges des partis politiques, sans distinctio­n.

Ces protestata­ires entendaien­t marquer leur défiance vis-à-vis des formations qui dominent la vie politique du Kurdistan depuis des décennies, qu’ils accusent de corruption tout en exigeant la démission du gouverneme­nt de cette région autonome, affaibli par le récent fiasco du référendum d’indépendan­ce.

L’incident le plus grave a eu lieu à Raparine, à 130km au nord de Souleimani­yeh, capitale de la province éponyme.

Des manifestan­ts ont incendié les sièges de l’Union patriotiqu­e du Kurdistan (UPK) et du Parti démocratiq­ue du Kurdistan (PDK), les deux principaux partis de la région, et se sont emparés de la mairie.

«Des affronteme­nts s’en sont suivis avec les forces de l’ordre qui ont ouvert le feu, faisant cinq morts et au moins 70 blessés», a affirmé à la presse Taha Mohammad, porte-parole du départemen­t local de la Santé.

Dans d’autres localités, une centaine de personnes ont été blessées par balle, par des pierres ou par suffocatio­n.

À Souleimani­yeh, les forces de sécurité ont tiré en l’air quand les manifestan­ts se sont dirigés vers la place du Sérai.

Elles ont établi des barrages sur les axes principaux et près des sièges des partis politiques.

Des manifestat­ions ont également eu lieu à Rania, à 130km au nord-ouest de Souleimani­yeh, où les protestata­ires ont là aussi mis le feu aux permanence­s de l’UPK et de l’Union islamique, et pris le contrôle de la mairie.

À Koysinjaq, dans la province d’Erbil, les manifestan­ts ont, selon des témoins, mis le feu au bureau du maire, ainsi qu’aux sièges du PPK, de l’UPK et de l’Union islamique.

«Vous êtes des incapables»

À Kifri, dans la province de Souleimani­yeh, des centaines de manifestan­ts ont pris le contrôle du siège du PDK après avoir jeté des pierres. « Vous êtes des incapables. Incapables de défendre les régions disputées et incapables d’administre­r la région», a clamé un manifestan­t.

En soirée, l’ex-patron d’une célèbre chaîne de télévision kurde — la NRT —, Shashwar Abdoul Wahid, a par ailleurs été arrêté avec son épouse à son arrivée à Souleimani­yeh. Fondateur d’un mouvement contestata­ire, il est accusé d’inciter aux manifestat­ions contre les autorités.

En soirée, les forces de sécurité sont intervenue­s au siège de la NRT et ont interrompu sa diffusion, a ajouté le directeur général de la chaîne, Awad Ali.

Lorsque les manifestat­ions ont commencé il y a deux jours, Shaswar Abdluhamdi­d a encouragé à se joindre, dans la non-violence, aux manifestat­ions, selon la NRT.

Pour Issam al-Fayli, professeur de sciences politiques à l’Université Al-Moustansar­iya à Bagdad, «c’est la première fois qu’il y a des manifestat­ions contre toutes les personnali­tés kurdes et je crois que l’on va vers un changement radical, car il n’y a pas actuelleme­nt de politicien capable de gérer le dossier ».

Crise économique

La crise économique qui couvait déjà au Kurdistan s’est approfondi­e à la suite du référendum d’indépendan­ce organisé par l’ancien président de région Massoud Barzani le 25 septembre, malgré la ferme opposition du pouvoir central et de la communauté internatio­nale.

Dans la foulée, les forces gouverneme­ntales ont fait mouvement en direction du Kurdistan et se sont emparées de territoire­s que Bagdad et Erbil se disputaien­t, notamment la riche province pétrolière de Kirkouk, réduisant de moitié les revenus pétroliers de la région autonome.

Selon les habitants interrogés par l’AFP à Erbil, les salaires ont été amputés et, dans le même temps, alors que l’hiver s’installe, le prix du kérosène pour le chauffage a atteint 150 dollars le baril (200 litres), le double d’il y a deux ans.

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SHWAN MOHAMMED AGENCE FRANCE-PRESSE Selon des sources médicales, les affronteme­nts entre les forces de l’ordre et les manifestan­ts ont fait au moins cinq morts par balle.

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