Le Devoir

Le Canada perd son avantage face aux États-Unis

- GÉRARD BÉRUBÉ

Le Canada va subir les effets de la réforme fiscale américaine. Les yeux sont tournés vers le prochain budget de Bill Morneau.

«Historique­ment, notre taux d’imposition était inférieur. Maintenant, ce n’est plus le cas », résume Pierre Bourgeois associé, fiscalité internatio­nale chez Raymond Chabot Grant Thornton. Dans la réforme ramenée mardi à une procédure près de son adoption, le taux d’imposition fédéral pour une entreprise passe de 35 à 21%. À l’échelle des États, ce taux peut varier entre 0 et 15%, pour un taux moyen de 5 à 7%. Le taux combiné passe donc autour de 26%, ce qui correspond grosso modo au taux combiné fédéral-Québec, explique le fiscaliste.

À cette concurrenc­e fiscale accrue se greffe un facteur d’activités, les achats en machinerie et en immobilisa­tion étant amortissab­les à 100% dès l’année d’acquisitio­n, contre une période d’amortissem­ent de trois ans au Canada.

Et contrairem­ent au Canada, où l’impôt s’applique sur les bénéfices des entreprise­s puis sur le dividende versé aux actionnair­es, aux États-Unis, pour les sociétés privées, cet impôt est prélevé entre les mains des individus propriétai­res, au taux fédéral de 30%, au taux fédéral-État d’environ 35 %. « C’est moins que le taux combiné s’appliquant aux entreprene­urs québécois», ajoute Pierre Bourgeois. Un écart que la réforme du ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, aurait fortement creusé dans sa mouture originale.

Tout repose donc sur le prochain budget Morneau. Car «oui, il faut possibleme­nt s’attendre à un déplacemen­t d’investisse­ments directs vers le sud», conclut le fiscaliste de Raymond Chabot. «Cela vaut davantage pour les entreprise­s à prédominan­ce de capital, un peu moins pour les entreprise­s de service, quoiqu’une réduction de 14 points de pourcentag­e ne soit pas anodine. »

Joëlle Noreau, économiste principale au Mouvement Desjardins, s’interroge pour le secteur manufactur­ier québécois. «On peut se demander si les usines américaine­s seront nettement avantagées […] Investiron­t-elles davantage pour répondre elles-mêmes aux besoins de leur économie? Dans la mesure où la réponse est oui, quelles répercussi­ons se feront sentir de ce côté-ci de la frontière? Quelles seront leur ampleur et leur vitesse?» demande-telle dans une note publiée mardi.

Le p.-d.g. de la Fédération des chambres de commerce du Québec demande, pour sa part, aux gouverneme­nts du Canada et du Québec de travailler à rétablir notre attractivi­té fiscale en matière d’investisse­ment. Stéphane Forget souligne que «des solutions existent à court terme pour répondre à ces changement­s au sud de la frontière. Les gouverneme­nts pourraient cibler les secteurs les plus exposés au risque de voir des investisse­ments se déplacer aux États-Unis. Ils pourraient mettre en place des mesures favorisant l’amortissem­ent accéléré afin de soutenir les investisse­ments des entreprise­s et d’accroître la productivi­té», suggère-t-il, dans un communiqué.

Newspapers in French

Newspapers from Canada