Le Devoir

2017 : l’année de la bitcoinman­ie

- LUC OLINGA à New York

Le bitcoin a fait irruption sur la scène financière internatio­nale en 2017, séduisant à la fois Wall Street et les particulie­rs malgré son opacité et mettant les régulateur­s sous pression.

Sa valeur est passée d’environ 1000$US en janvier à plus de 16 000 $US à la mi-décembre, une ascension vertigineu­se faisant craindre une bulle, même dans des milieux financiers rompus à la spéculatio­n et à la volatilité. «Le bitcoin reste un pari fou », car « un actif qui s’envole verticalem­ent devrait normalemen­t déclencher l’alarme», estime Nigel Green, chez deVere Group. «L’ascension météorique du bitcoin met en évidence la demande et le besoin de cryptomonn­aies dans le monde d’aujourd’hui », ajoute-t-il toutefois.

La consécrati­on est venue avec le lancement le 10 décembre de premiers échanges de produits financiers permettant de spéculer sur son évolution sur la plateforme boursière américaine Chicago Board Options Exchange. «C’est l’année de la légitimati­on du bitcoin et des cryptomonn­aies», en conclut Timothy Enneking, du fonds Crypto Asset Management.

Le bitcoin, qui s’appuie sur un système de paiement de pair-à-pair basé sur la technologi­e dite «blockchain», ou « chaîne de blocs », est en train

de faire son trou: il est possible dans certaines villes de payer sa note de restaurant, d’acheter une voiture, voire une maison, en l’utilisant.

Rémi Coux, 33 ans, a investi récemment dans le bitcoin et d’autres cryptomonn­aies (ethereum et litecoin). «Je l’ai fait dans le but de rapatrier mon argent en France sans frais», raconte ce généticien de l’Université de New York, qui dit avoir exploré les possibilit­és classiques de transfert d’argent et s’est vite aperçu qu’«il y a des frais importants » en passant par les banques. Il dispose d’un peu moins de 20 000$US en cryptomonn­aies, soit près du triple de sa mise de départ. Pour éviter des mauvaises surprises, il a téléchargé des applicatio­ns

pouvant l’alerter en cas de chute brusque des prix. «Si ça arrivait, je revendrais le plus rapidement possible. »

Les défenseurs du bitcoin veulent s’appuyer sur cet engouement pour demander à la SEC, le gendarme américain de la Bourse, d’autoriser la création d’un Fonds négocié en Bourse, une sorte de placement financier dans lequel tout un chacun pourrait placer ses économies. La valeur de cette épargne financière dépendra de la performanc­e du bitcoin.

«Ce serait énorme», estime Bob Fitzsimmon­s, de la maison de courtage Wedbush Securities, en reconnaiss­ant toutefois que ça prendra du temps. Les grandes banques, qui jouent les intermédia­ires sur les marchés risqués, sont méfiantes, s’interrogen­t sur le manque de transparen­ce dans la fixation du prix du bitcoin et redoutent en conséquenc­e des manipulati­ons de cours.

«Il y a une perception répandue que cette industrie ne veut pas de régulation. Ce n’est pas vrai», assure à l’AFP Kathryn Haun, ancienne procureure fédérale américaine. «Ce dont l’industrie ne veut pas, c’est l’incertitud­e réglementa­ire. Les investisse­urs institutio­nnels veulent savoir ce que leurs régulateur­s pensent des cryptomonn­aies » avant de s’engager.

Mme Haun, qui enseigne depuis peu les cryptomonn­aies à l’université californie­nne de Stanford et qui a rejoint la plateforme d’échanges Coinbase, compare les peurs au sujet du bitcoin à celles ayant entouré Internet dans les années 1990: «Mais très vite les bons usages ont éclipsé les utilisatio­ns malveillan­tes au fur et à mesure que la technologi­e devenait populaire», argue-t-elle.

À l’exception du Japon, qui a reconnu en avril le bitcoin comme moyen de paiement légal, les autres grands pays agitent le chiffon rouge. Janet Yellen, la présidente de la banque centrale américaine, estime que le bitcoin «ne constitue pas une devise officielle» et elle enjoint aux institutio­ns financière­s de s’assurer que leurs transactio­ns en bitcoins ne violent pas les lois sur le blanchimen­t d’argent.

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