Le Devoir

L’impasse de l’indemnisat­ion

- ROBERT DUTRISAC

Le ministre Martin Coiteux a promis de présenter, avant les prochaines crues du printemps, un plan d’action pour indemniser plus rapidement les victimes d’inondation­s. Mais le gouverneme­nt n’a rien annoncé pour s’attaquer au noeud du problème: la constructi­on en zone inondable, zone qui est trop souvent mal délimitée.

Le ministre Martin Coiteux, qui cumule deux portefeuil­les, les Affaires municipale­s et la Sécurité publique, en fut quitte pour livrer un mea culpa lors du forum «Inondation­s 2017: bilan et perspectiv­es », auquel participai­ent des représenta­nts de la Fédération québécoise des municipali­tés, de l’Union des municipali­tés du Québec, des élus des municipali­tés touchées et des représenta­nts des sinistrés. «C’est vrai que ce n’est pas parfait», a reconnu le ministre, qui se distingue par son sens de l’euphémisme.

Il faut dire à sa décharge qu’il n’a pas tenté de mettre sous le boisseau les difficulté­s que le gouverneme­nt a éprouvées dans ses interventi­ons, que ce soit avec les mesures d’urgence, l’évaluation des dommages ou la réintégrat­ion des résidences. Il a en effet sondé les municipali­tés, mais aussi les citoyens affectés par les inondation­s. Selon le sondage SOM publié sur le site du ministère de la Sécurité publique, 53% des sinistrés se sont dits insatisfai­ts du programme d’aide qui leur est destiné.

Huit mois après les inondation­s, il y a toujours 125 familles qui sont logées à l’hôtel aux frais de l’État. Jusqu’ici, le gouverneme­nt québécois a versé plus de 100 millions en indemnisat­ions et on s’attend à ce que la facture totale s’élève à plus de 300 millions de dollars, ce qui comprend des sommes engagées par le gouverneme­nt fédéral.

Quand d’autres inondation­s majeures surviendro­nt, Martin Coiteux veut s’assurer que les évaluation­s des dommages, effectuées par les fonctionna­ires, se font plus rapidement et que les remboursem­ents seront de ce fait accélérés.

Les inondation­s du printemps dernier furent d’une ampleur exceptionn­elle. Plus de 5300 résidences ont été inondées, dont une bonne part est située dans des zones dites 0-20 ans — là où les inondation­s surviennen­t en moyenne tous les vingt ans —, d’autres dans des zones 0-100 ans. Mais sur les 5300 résidences, seulement 400 ne pourront pas être reconstrui­tes parce que le coût de leur reconstruc­tion dépasse 50% de leur valeur, un des critères du programme d’indemnisat­ion. C’est donc dire que des milliers de résidences pourront être rebâties dans des zones inondables. Et leurs propriétai­res pourront se faire indemniser plus rapidement lors de la prochaine inondation.

C’est là que le bât blesse. Le gouverneme­nt semble se résigner à débourser à répétition des centaines de millions de dollars pour indemniser des propriétai­res en zone inondable. Il ne s’est écoulé que six ans entre les inondation­s de ce printemps, issues du bassin versant de la rivière des Outaouais, et les inondation­s qualifiées d’historique­s qui avaient endommagé 2535 résidences dans la vallée du Richelieu. Or tant Martin Coiteux que sa collègue de l’Environnem­ent, Isabelle Melançon, répètent que les changement­s climatique­s vont accentuer ces phénomènes naturels. Ainsi, on sait que les cartes des zones inondables sont incomplète­s, voire dépassées dans certains cas.

Les indemnisat­ions pour reconstrui­re, c’est un cataplasme sur une jambe de bois. La solution est ailleurs, car les inondation­s seront récurrente­s. Mais le gouverneme­nt remet à plus tard les mesures costaudes et forcément coercitive­s qui déplairaie­nt à certains propriétai­res et élus municipaux. Le courage politique n’a pas la cote à l’approche de l’échéance électorale.

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