L’impasse de l’indemnisation
Le ministre Martin Coiteux a promis de présenter, avant les prochaines crues du printemps, un plan d’action pour indemniser plus rapidement les victimes d’inondations. Mais le gouvernement n’a rien annoncé pour s’attaquer au noeud du problème: la construction en zone inondable, zone qui est trop souvent mal délimitée.
Le ministre Martin Coiteux, qui cumule deux portefeuilles, les Affaires municipales et la Sécurité publique, en fut quitte pour livrer un mea culpa lors du forum «Inondations 2017: bilan et perspectives », auquel participaient des représentants de la Fédération québécoise des municipalités, de l’Union des municipalités du Québec, des élus des municipalités touchées et des représentants des sinistrés. «C’est vrai que ce n’est pas parfait», a reconnu le ministre, qui se distingue par son sens de l’euphémisme.
Il faut dire à sa décharge qu’il n’a pas tenté de mettre sous le boisseau les difficultés que le gouvernement a éprouvées dans ses interventions, que ce soit avec les mesures d’urgence, l’évaluation des dommages ou la réintégration des résidences. Il a en effet sondé les municipalités, mais aussi les citoyens affectés par les inondations. Selon le sondage SOM publié sur le site du ministère de la Sécurité publique, 53% des sinistrés se sont dits insatisfaits du programme d’aide qui leur est destiné.
Huit mois après les inondations, il y a toujours 125 familles qui sont logées à l’hôtel aux frais de l’État. Jusqu’ici, le gouvernement québécois a versé plus de 100 millions en indemnisations et on s’attend à ce que la facture totale s’élève à plus de 300 millions de dollars, ce qui comprend des sommes engagées par le gouvernement fédéral.
Quand d’autres inondations majeures surviendront, Martin Coiteux veut s’assurer que les évaluations des dommages, effectuées par les fonctionnaires, se font plus rapidement et que les remboursements seront de ce fait accélérés.
Les inondations du printemps dernier furent d’une ampleur exceptionnelle. Plus de 5300 résidences ont été inondées, dont une bonne part est située dans des zones dites 0-20 ans — là où les inondations surviennent en moyenne tous les vingt ans —, d’autres dans des zones 0-100 ans. Mais sur les 5300 résidences, seulement 400 ne pourront pas être reconstruites parce que le coût de leur reconstruction dépasse 50% de leur valeur, un des critères du programme d’indemnisation. C’est donc dire que des milliers de résidences pourront être rebâties dans des zones inondables. Et leurs propriétaires pourront se faire indemniser plus rapidement lors de la prochaine inondation.
C’est là que le bât blesse. Le gouvernement semble se résigner à débourser à répétition des centaines de millions de dollars pour indemniser des propriétaires en zone inondable. Il ne s’est écoulé que six ans entre les inondations de ce printemps, issues du bassin versant de la rivière des Outaouais, et les inondations qualifiées d’historiques qui avaient endommagé 2535 résidences dans la vallée du Richelieu. Or tant Martin Coiteux que sa collègue de l’Environnement, Isabelle Melançon, répètent que les changements climatiques vont accentuer ces phénomènes naturels. Ainsi, on sait que les cartes des zones inondables sont incomplètes, voire dépassées dans certains cas.
Les indemnisations pour reconstruire, c’est un cataplasme sur une jambe de bois. La solution est ailleurs, car les inondations seront récurrentes. Mais le gouvernement remet à plus tard les mesures costaudes et forcément coercitives qui déplairaient à certains propriétaires et élus municipaux. Le courage politique n’a pas la cote à l’approche de l’échéance électorale.