Le Devoir

Des vêtements de vélo par des femmes, pour des femmes

Peppermint veut faire sa place dans une industrie dominée par les hommes

- KARL RETTINO-PARAZELLI

Le Québec regorge d’entreprene­urs passionnés qui tentent de mettre à profit une idée ou un concept novateur. Chaque semaine, Le Devoir vous emmène à la rencontre de gens visionnair­es, dont les ambitions pourraient transforme­r votre quotidien. Aujourd’hui, des soeurs jumelles qui proposent une nouvelle façon de rouler.

Après avoir connu l’univers des agences de marketing et rencontré toutes sortes de clients, Véronik et Michèle Bastien croyaient que plus grand-chose ne les intimidait. C’était avant l’automne 2016, lorsqu’elles ont atterri à Las Vegas pour participer à l’un des plus importants rassemblem­ents de l’industrie du vélo en Amérique du Nord, l’Interbike.

Les deux soeurs s’étaient déplacées jusque-là pour rencontrer certains fournisseu­rs de tissu avec lesquels elles faisaient affaire depuis les débuts de leur jeune compagnie de vêtements de vélo, Peppermint.

«On est arrivées là-bas et on s’est fait regarder comme si on était les pitounes de la place. On se disait “voyons, c’est notre compagnie” », se rappelle Véronik.

La surprise provoquée par l’arrivée de deux jeunes entreprene­ures dans une industrie dominée par des hommes illustre bien la raison pour laquelle Véronik et Michèle ont voulu y faire leur place. Avec Peppermint, elles se donnent pour mission d’offrir des vêtements et des accessoire­s de vélo conçus pour des femmes, par des femmes.

«L’industrie du vélo est pensée par des gars, et le sport est très souvent présenté en misant sur la performanc­e, le côté technique, l’intensité, alors que ce n’est pas nécessaire­ment ce que les filles recherchen­t », souligne Véronik.

S’inspirer du yoga

Les deux soeurs ont eu l’idée de créer une compagnie de vêtements de vélo féminin en 2015 lorsqu’elles étaient sur leur selle, en Croatie. L’amie qui les accompagna­it n’avait pas l’équipement nécessaire pour les suivre dans leur journée de vélo. Et à l’instant où on lui prêta un bel ensemble bleu, blanc et mauve, cette cycliste peu expériment­ée prit soudaineme­nt confiance.

«Quand on est revenues au Québec, on s’est dit qu’il y avait quelque chose à faire avec ça. Il y avait une occasion de créer ce que le yoga et la course à pied ont réussi à faire, c’est-àdire de permettre aux filles d’être bien dans leur peau et de les inciter à faire de l’activité physique», résume Véronik. «On veut redéfinir l’expérience cycliste auprès des femmes», ajoute Michèle en reprenant le slogan de la compagnie.

Les soeurs Bastien ont choisi le vélo parce qu’elles aiment ce sport, mais surtout parce qu’elles ont vu un important besoin à combler. En réalisant une étude de marché, elles ont constaté que les femmes ne connaissai­ent pas les marques de vélo ou qu’elles ne s’y reconnaiss­aient pas, alors qu’elles forment une importante part de la population cycliste. En 2015, 45% des 3,2 millions d’adultes faisant du vélo au Québec étaient des femmes.

Exporter un mouvement

Les fondatrice­s de Peppermint affirment que leurs produits se distinguen­t des marques existantes par leur design plus audacieux, leur souci du détail et la conception locale de leurs vêtements.

«Dans le monde du vélo, les gens vont souvent dire que la recette pour les vêtements féminins, c’est « pink it, shrink it », c’est-à-dire qu’on change le rouge pour le rose et on prend du très petit d’homme pour faire du petit de femme», illustre Michèle en faisant remarquer que les corps masculins et féminins sont pourtant bien différents.

Les produits sont seulement vendus en ligne, mais la compagnie tente de se faire connaître en faisant apparaître des boutiques éphémères, en développan­t un réseau d’ambassadri­ces sur roues, en participan­t à des événements cyclistes et en organisant depuis un an son propre événement, le Peppermint Bikefest.

Les affaires allaient bien pour les deux soeurs jusqu’à ce qu’un incendie ravage leur entrepôt et leurs bureaux en octobre dernier, faisant partir en fumée pratiqueme­nt tout leur inventaire. «On repartait à zéro », tranche Véronik.

«Notre marque aurait pu s’écrouler en l’espace d’une journée, fait remarquer Michèle, mais on avait tellement travaillé fort pour être plus qu’un produit qu’on n’a pas vu d’impact. Quand on a ressorti nos produits, les clientes étaient restées fidèles. »

Au cours des prochaines années, les deux entreprene­ures visent donc le reste du Canada et éventuelle­ment les ÉtatsUnis pour exporter leurs vêtements, mais aussi le mouvement qu’elles disent avoir réussi à créer.

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JACQUES NADEAU LE DEVOIR «L’industrie du vélo est pensée par des gars, et le sport est très souvent présenté en misant sur la performanc­e, le côté technique, l’intensité, alors que ce n’est pas nécessaire­ment ce que les filles recherchen­t», souligne Véronik Bastien (à gauche),...
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