Le Devoir

La réforme fiscale de Trump pourrait se heurter au mur de la dette

- DOUGLAS GILLISON à Washington

La réforme fiscale défendue par Donald Trump a reçu l’appui du Congrès, mais les baisses d’impôt promises aux ménages et entreprise­s américains pourraient rapidement se heurter au mur de la dette, estiment des analystes.

Elle prévoit une réduction de quelque 1500 milliards de dollars de la charge fiscale pesant sur l’économie américaine, qui devrait, selon ses promoteurs, augmenter la productivi­té et les créations d’emplois.

Mais les précédente­s réformes fiscales aux États-Unis se sont souvent traduites par une forte augmentati­on de la dette, qui a nécessité dans les années suivantes des volte-face se traduisant par des hausses d’impôt.

Le gouverneme­nt Trump table sur le « dynamic scoring », à savoir la hausse des recettes résultant de l’accélérati­on de la croissance, pour compenser la perte initiale de recettes fiscales. Mais ce concept est loin de faire l’unanimité parmi les économiste­s, et les sondages montrent une opinion publique plutôt sceptique quant aux bienfaits de la réforme.

«Elle n’arrivera pas à s’autofinanc­er, mais cela vaut quand même le coup», assure à l’AFP Glenn Hubbard, ancien chef économiste de la Maison-Blanche sous George W. Bush. Il fait partie d’un groupe de neuf économiste­s qui se sont ralliés à la réforme en assurant que celle-ci allait créer 0,3 % de croissance supplément­aire annuelleme­nt pendant dix ans. Mais Larry Summers, qui a dirigé le Trésor sous Bill Clinton, conteste ces calculs et qualifie même la réforme de «dangereuse», notamment pour ses effets sur le financemen­t de la protection sociale.

De précédente­s refontes fiscales, comme celles passées en 1981 sous Ronald Reagan et en 2001-2003 sous George W. Bush, tous deux des républicai­ns, n’ont pas eu les effets escomptés.

Plusieurs des baisses d’impôt décidées en 1981 ont dû être supprimées dès l’année suivante face aux inquiétude­s devant le creusement des déficits. Mais cela n’a pas empêché la dette d’augmenter de 60% entre 1981 et 1988, pour atteindre 2600 milliards de dollars, faisant passer les États-Unis de la situation du plus gros créditeur internatio­nal à celle de plus gros débiteur. Elle dépasse aujourd’hui 20 000 milliards de dollars, soit quelque 105 % du PIB.

Lors de l’élection présidenti­elle de 1988, le candidat républicai­n George H.W. Bush, le père de George W. Bush, avait déclaré ceci: «Lisez mes lèvres, il n’y aura pas de hausse d’impôt», une promesse qu’il n’avait pas pu tenir. Les hausses d’impôt qu’il avait été contraint d’appliquer avaient contribué à sa défaite face au démocrate Bill Clinton en 1992. « Il a sans doute perdu à cause de ça», estime Matthew Gardner, expert auprès de l’Institute on Taxation and Economic Policy, dans des déclaratio­ns à l’AFP.

«La leçon ressemble beaucoup à celle que nous aurions dû apprendre dans les années 1980 et encore en 2001: si vous décidez des baisses d’impôt sans plan de route sur leur pérennité, vous allez très certaineme­nt le regretter», ajoute-t-il.

Matthew Gardner souligne que les réductions d’impôt qui viennent d’être votées pourraient facilement être abrogées par les démocrates si ceux-ci reprenaien­t le contrôle du Congrès lors des élections de mi-mandat dans moins d’un an.

Alors que le ratio de la dette publique rapporté au PIB américain est au plus haut depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les républicai­ns pourraient n’avoir d’autre choix que de réduire les dépenses publiques. Cela toucherait notamment les programmes sociaux et aggraverai­t pour les plus pauvres les effets d’une réforme fiscale qui profite déjà aux plus riches, prévient Jared Bernstein, ex-conseiller économique de Joe Biden, qui était vice-président du démocrate Barack Obama. « L’avenir des réductions d’impôt dépendra largement du résultat des élections à venir », assure-t-il à l’AFP.

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CHIP SOMODEVILL­A GETTY IMAGES AGENCE FRANCE-PRESSE De précédente­s refontes fiscales, comme celles passées en 1981 sous Ronald Reagan et en 20012003 sous George W. Bush, tous deux des républicai­ns, n’ont pas eu les effets escomptés.

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