La situation du marché du travail chez les jeunes est bonne, croit un économiste
La semaine dernière, le gouverneur de la Banque du Canada disait que la difficile insertion des jeunes sur le marché du travail l’empêchait « de dormir la nuit »
Le gouverneur de la Banque du Canada peut dormir tranquille. Contrairement à l’impression qu’il en a, les jeunes travailleurs vont plutôt bien, estime un économiste de la Banque Nationale.
La semaine dernière, le grand patron de la banque centrale canadienne a confié, lors d’un discours devant le Canadian Club de Toronto, quels étaient les «enjeux lancinants et évoluant à pas de tortue» qui l’empêchaient «de dormir la nuit». Parmi ces facteurs, il y avait l’habituelle croissance du prix des maisons et de l’endettement des ménages, la menace de cyberattaques sur le système financier, la ruée vers le bitcoin et autres cryptomonnaies, mais aussi la difficile insertion des jeunes sur le marché du travail.
Sur cette dernière question, il déplorait notamment que la proportion de jeunes de 15 à 24 ans occupant un emploi ou en recherche d’emploi soit encore aujourd’hui, à environ 63%, tout près de son niveau le plus bas en presque 20 ans. Si l’on pouvait ramener ce taux d’activité à ce qu’il était avant la Grande Récession, disait-il, «pas moins de 100 000 jeunes Canadiens de plus auraient un emploi». En plus d’y voir un signe que le marché du travail canadien ne s’est pas encore complètement remis de la crise, Stephen Poloz y reconnaissait le symptôme d’un mauvais arrimage entre les compétences des jeunes et les besoins des entreprises au moment même où pèse sur le pays la menace grandissante d’une rareté de la main-d’oeuvre.
« Contrairement à ce qu’a affirmé le gouverneur de la Banque du Canada la semaine dernière, nous croyons que la situation du marché du travail chez les jeunes est bonne au pays», a commenté Matthieu Arseneau, économiste à la Banque Nationale, dans une brève analyse mercredi. «En fait, la situation des jeunes au Canada ferait rougir d’envie plusieurs pays. »
Selon l’économiste, le soi-disant retard que déplore Stephen Poloz est essentiellement attribuable aux jeunes qui font le choix de se concentrer sur leurs études plutôt que de chercher un emploi à temps partiel ou à temps plein. Le taux d’activité pour ceux qui ne sont pas aux études est en effet pratiquement le même aujourd’hui qu’avant la crise (87% le mois dernier contre 88% en novembre 2007). En fait, bien qu’à première vue faibles en proportion, les 50 000 nouveaux emplois à temps plein dans ce groupe d’âge sur un total de 350 000 emplois créés depuis le début de l’année au pays s’avèrent «la meilleure performance en près de deux décennies ».
Hausse de taux en vue
Matthieu Arseneau en conclut que «la préoccupation du gouverneur concernant ce soi-disant problème nous apparaît disproportionnée dans son analyse de la situation globale du marché du travail canadien», qu’il y surestime le niveau de capacités qui demeurent encore sous-utilisées et que la Banque du Canada devrait accélérer la remontée de ses taux d’intérêt si elle ne veut pas risquer de se faire déborder par l’inflation.
L’économiste de la Banque TD Brian DePratto était arrivé sensiblement à la même conclusion à la fin de sa propre analyse du discours de Poloz la semaine dernière. Si c’est cela les seuls gros problèmes qui empêchent encore le gouverneur de dormir, il faut s’attendre à ce que la prochaine hausse des taux d’intérêt de la Banque du Canada arrive en début d’année prochaine.
La banque centrale canadienne a laissé pour une deuxième fois consécutive son taux directeur inchangé à 1% au début du mois. Avant cela, elle l’avait relevé à deux reprises de 0,25 point de pourcentage en juillet et en septembre.