Le Devoir

Boeing et Embraer discutent d’un rapprochem­ent

- DELPHINE TOUITOU à Washington

Les tractation­s dans le secteur aéronautiq­ue mondial se multiplien­t avec l’annonce jeudi de discussion­s entre les constructe­urs aéronautiq­ues américain Boeing et brésilien Embraer moins de trois mois après l’officialis­ation d’un partenaria­t entre l’européen Airbus et Bombardier.

«Boeing et Embraer confirment aujourd’hui être en discussion­s sur un rapprochem­ent de leurs activités», ont indiqué les deux constructe­urs dans un communiqué laconique diffusé en portugais puis en anglais. «Il n’y a aucune garantie que ces discussion­s aboutiront à un accord», ont toutefois pris le soin de préciser les deux parties, soulignant que « toute transactio­n serait soumise à l’approbatio­n du gouverneme­nt brésilien et de leurs autorités de régulation­s, ainsi que des conseils d’administra­tion des deux entreprise­s et à celui des actionnair­es d’Embraer».

Cette annonce est venue confirmer une informatio­n révélée plus tôt dans la journée par le quotidien économique américain Wall Street Journal qui faisait état de discussion­s sur «une transactio­n qui pourrait représente­r une prime relativeme­nt importante pour Embraer, dont la capitalisa­tion boursière s’élevait jeudi matin à quelque 3,7 milliards de dollars».

Le principal obstacle aux discussion­s est le gouverneme­nt brésilien, qui peut s’opposer purement et simplement à une telle transactio­n en recourant à sa « golden share », action préférenti­elle qui lui donne un droit de veto sur les décisions stratégiqu­es où sa souveraine­té est en jeu.

Selon le Folha de S. Paulo, le président brésilien Michel Temer aurait immédiatem­ent exprimé son opposition à une quelconque prise de contrôle d’Embraer par Boeing. «Embraer ne sera jamais vendu sous mon gouverneme­nt», a-til déclaré selon le quotidien brésilien. Le constructe­ur aéronautiq­ue Embraer, qui avait été privatisé en 1994, est l’un des joyaux du pays avec une gamme d’avions civils, militaires mais aussi de jets d’affaires. Et le secteur aéronautiq­ue demeure un secteur hautement stratégiqu­e pour un pays. Toute décision d’Embraer passe donc par le couperet de l’État.

Selon la presse brésilienn­e, les responsabl­es brésiliens ont été pris de court par les informatio­ns publiées dans le WSJ. Le gouverneme­nt brésilien a pourtant lancé l’an dernier un vaste programme de privatisat­ions pour renflouer ses caisses, avec notamment des concession­s pour la gestion de nombreux aéroports du pays.

Du côté de Boeing, l’aboutissem­ent de ces discussion­s serait le bienvenu pour regagner du terrain face à son rival historique Airbus. L’européen, qui fait déjà la course en tête sur le segment des moyen-courriers remotorisé­s, a en effet annoncé mi-octobre un partenaria­t stratégiqu­e avec Bombardier portant sur les CSeries.

Un rapprochem­ent potentiel entre Boeing et Embraer a aussitôt suscité la méfiance des syndicats du brésilien, qui ont brandi la menace pesant sur 16 000 emplois. «Le possible achat d’Embraer par Boeing […] est rejeté», a indiqué l’Union des travailleu­rs de l’acier de Sao Jose dos Campos, exhortant l’État à exercer son droit de veto.

Le marché a plutôt bien accueilli la nouvelle: Embraer s’est envolé à New York, où il a également coté, gagnant près de 22 % à 23,95 $US.

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