Le Devoir

Donald Trump veut ouvrir trois océans à

l’exploratio­n pétrolière

- ALEXANDRE SHIELDS

Le gouverneme­nt Trump a dévoilé jeudi un vaste plan visant à permettre les forages pétroliers et gaziers dans la quasi-totalité des eaux côtières américaine­s. Les océans Atlantique, Pacifique et Arctique sont visés par le projet, conçu pour favoriser l’exploitati­on en mer pendant plusieurs années, malgré les risques environnem­entaux.

Le plan développé par la MaisonBlan­che est en fait le plus ambitieux jamais présenté favorable à l’exploratio­n pétrolière et gazière en milieu marin. Il doit notamment permettre aux entreprise­s de forer dans des zones jusqu’ici hors d’atteinte pour l’industrie des énergies fossiles, en raison des règles de protection en place depuis plusieurs années.

Concrèteme­nt, près de 90% des zones côtières faisant partie du plateau continenta­l américain pourraient ainsi être ouvertes à l’attributio­n de permis d’exploratio­n entre 2019 et 2024, dans le cadre de ce plan de cinq ans.

À titre de comparaiso­n, à l’heure actuelle, 94 % des zones côtières ne sont pas accessible­s à l’industrie, a précisé jeudi le secrétaire à l’Intérieur, Ryan Zinke. «Le développem­ent responsabl­e de nos ressources énergétiqu­es» est important «pour notre économie et notre sécurité énergétiqu­e, en plus de fournir des milliards de dollars pour financer la conservati­on de nos zones côtières, des terres publiques et des parcs», a ajouté cet ancien militaire et défenseur de l’industrie du charbon.

Concurrenc­e pétrolière

Selon le gouverneme­nt américain, la réalisatio­n de multiples projets d’exploitati­on de pétrole et de gaz au large des côtes pourrait permettre aux États-Unis de «concurrenc­er» d’autres pays producteur­s d’énergies fossiles au cours des prochaines décennies.

Pour y parvenir, le gouverneme­nt Trump compte autoriser les projets de recherche et d’exploitati­on de pétrole et de gaz le long de la côte est américaine, soit dans l’Atlantique. Il n’existe actuelleme­nt aucun permis en vigueur dans cette région, mais le projet prévoit neuf ventes de droits d’exploratio­n, du Maine (aux limites des eaux canadienne­s) à la Floride.

Dans le Pacifique, sept ventes sont envisagées, essentiell­ement au large des côtes de la Californie, mais aussi plus au nord, aux limites des eaux canadienne­s. Une douzaine de ventes sont aussi prévues dans le golfe du Mexique, en plus de 19 ventes dans la zone arctique. Dans ce dernier cas, des permis pourront aussi être accordés aux limites des eaux canadienne­s, en plus de zones actuelleme­nt protégées.

Inquiétude­s

L’ouverture massive des zones maritimes à l’exploratio­n pétrolière soulève toutefois de vives inquiétude­s, particuliè­rement depuis la tragédie survenue en 2010 dans le golfe du Mexique. L’exploratio­n d’une plateforme d’exploratio­n, Deepwater Horizon, y a provoqué la pire marée noire de l’histoire américaine.

Le long de la côte atlantique, l’opposition pourrait provenir de certains gouverneur­s. Le gouverneur républicai­n de la Floride, Rick Scott, a d’ailleurs souligné son opposition jeudi. «J’ai tout de suite demandé à rencontrer le secrétaire Zinke pour discuter des préoccupat­ions soulevées par ce projet et de la nécessité de retirer la Floride de la liste», a-t-il indiqué dans un communiqué.

Plusieurs scientifiq­ues ont aussi déjà fait part de leurs inquiétude­s pour la biodiversi­té, notamment en raison des risques de ces activités pour des espèces menacées, dont plusieurs espèces de cétacés. C’est le cas de la baleine noire, du rorqual bleu et de la baleine à bosse, qui voyagent le long de la côte chaque année pour rejoindre le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent.

Une étude d’impact américaine a même déjà évalué à 138 000 le nombre d’organismes marins potentiell­ement menacés par les levés sismiques qui seront réalisés pour trouver de possibles gisements dans les eaux de l’Atlantique.

Pour le Sierra Club, la décision de la Maison-Blanche se résume à une « vente » des communauté­s côtières, des eaux américaine­s et du climat à quelques « pollueurs industriel­s».

Entente rejetée

Le projet annoncé jeudi était attendu depuis plusieurs mois. En avril dernier, le président Donald Trump avait en effet annoncé son intention de revoir le plan sur les forages en mer annoncé par son prédécesse­ur, Barack Obama.

Avant de quitter la Maison-Blanche, ce dernier avait en effet conclu une entente avec le gouverneme­nt de Justin Trudeau. En vertu de cette «déclaratio­n commune », le Canada et les États-Unis avaient décidé d’imposer un moratoire d’au moins cinq ans pour l’octroi de nouveaux permis d’exploratio­n sur une large portion de l’océan Arctique. Dans le cas des États-Unis, le moratoire s’appliquait sur une superficie de plus de 500 000 km2.

Dans le communiqué de cette déclaratio­n politique commune, on faisait valoir que les eaux arctiques «sont irremplaça­bles», qu’elles sont «essentiell­es» pour les communauté­s autochtone­s du Nord, que les écosystème­s nordiques sont très vulnérable­s aux déversemen­ts pétroliers et que toute interventi­on en cas d’accident serait très complexe.

Avec le nouveau plan du gouverneme­nt Trump, la quasi-totalité des eaux de l’Arctique américain sera accessible aux forages.

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JAMES BROOKS ASSOCIATED PRESS Photo datant de 2013 qui montre une plateforme pétrolière de Shell dans la baie Kiliuda, en Alaska
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