Tempête à l’est !
Écoles fermées, vols et trajets d’autobus annulés, traversiers immobilisés au quai, pannes d’électricité : l’est du Canada et des États-Unis est mis à l’épreuve en ce début de janvier
Après avoir enduré une vague de froid extrême, les Québécois affrontent depuis jeudi une puissante tempête de neige. Remontant la côte est américaine avec des vents de 100km/h et des accumulations de neige de plus de 30cm, la dépression a frappé les provinces de l’Atlantique et l’est du Québec en fin de journée.
Environnement Canada a lancé plusieurs avertissements et veilles de tempête hivernale pour les provinces maritimes et certains secteurs de Terre-Neuve-et-Labrador.
Le Québec n’échappera pas à la tempête, qui apportera des vents forts et beaucoup de neige, d’après le météorologue Jean-Philippe Bégin. Jeudi après-midi, la neige commençait déjà à ensevelir l’Estrie, près de la frontière américaine.
Les régions les plus touchées — le Bas-SaintLaurent, la Gaspésie et la Côte-Nord — devraient recevoir entre 20 et 50cm ainsi que des rafales de 70 à 90km/h qui soulèveront de la poudrerie.
«On s’attend à une visibilité nulle surtout en Gaspésie et sur la Côte-Nord, prévient M. Bégin. On conseille aux gens de repenser leurs déplacements dans les 24 prochaines heures. »
Le sud du Québec devrait aussi recevoir de 5 à 10 cm, tandis que le nord-ouest sera complètement épargné.
Si la tempête devrait se calmer samedi, les rafales seront toujours présentes et les conditions routières, aussi difficiles. Les vents forts feront une nouvelle fois chuter le mercure entre -15 et -20 °C, précise M. Bégin.
L’impact de ces conditions météorologiques difficiles se faisait déjà ressentir jeudi. À l’aéroport Montréal-Trudeau, plus de 740 arrivées et départs vers la côte est canadienne et américaine ont été annulés. Plusieurs compagnies aériennes ont déjà prévenu leurs clients de possibles retards et annulations de vols ces prochains jours.
Orléans Express a annoncé que plusieurs retards, annulations et interruptions de parcours étaient à prévoir pour les trajets d’autobus reliant Rimouski et Rivière-du-Loup à Québec et Montréal.
En soirée, plusieurs routes et tronçons d’autoroutes ont été fermés à la circulation dans le Bas-Saint-Laurent et en Gaspésie.
Cocktail météo dans l’Est canadien
La Nouvelle-Écosse se préparait quant à elle à recevoir un cocktail météo: pluie, vents violents, blizzards et même ondes de tempête. Près de 40cm de neige et des rafales allant jusqu’à 130 km/h sont attendus.
Quelque 17 000 Néo-Écossais étaient déjà privés d’électricité jeudi. Environ 115 travailleurs d’Hydro-Québec ont été envoyés pour prêter main-forte aux plus de 1000 travailleurs de la Nova Scotia Power.
Les écoles, commerces et traversiers ont interrompu leurs services et la majorité des vols et des traversiers ont été annulés, dont celui faisant la liaison entre l’Île-du-Prince-Édouard et les îles de la Madeleine, remis au lendemain.
Des risques de débordement côtier sont aussi à prévoir dans la région d’Halifax, en Nouvelle-Écosse, et le long du fleuve Saint-Laurent, de Blanc-Sablon jusqu’à Québec.
Chaos aux États-Unis
Aux États-Unis, la tempête a semé le chaos sur sa trajectoire. Vols annulés, écoles fermées, routes impraticables et pannes d’électricité ont paralysé plusieurs États de la côte est.
Des dizaines de centimètres de neige sont tombés, des avertissements de blizzard sont en vigueur et l’état d’urgence a été déclaré dans de nombreux secteurs.
Jeudi soir, quatre personnes ont perdu la vie en Caroline du Nord et du Sud en raison de sorties de route. Un autre conducteur est décédé près de Philadelphie, en Pennsylvanie,
«Ce n’est pas une tempête normale. Si vous n’avez pas à prendre la route, ne le faites pas. Soyez prudents et restez en sécurité », a écrit le gouverneur de l’État de New York, Andrew Cuomo, sur son compte Twitter jeudi peu après avoir déclaré l’état d’urgence pour les villes de New York, Westchester et Long Island.
Les rafales ont entraîné d’importantes inondations entre le Massachusetts et le Maine recouvrant les quais, les rues et s’infiltrant dans certains immeubles.
Le Massachusetts et le Rhode Island se préparaient à recevoir jusqu’à 45 centimètres de neige dans la nuit de jeudi à vendredi.
«Ça s’est déjà vu, mais on a eu deux hivers vraiment doux ces dernières années. […] Il y a comme une amnésie collective d’une tempête à l’autre», estime Geneviève Martel, installée depuis neuf ans à Cambridge, en banlieue de Boston, dans le Massachusetts.
Cette Québécoise d’origine critique le ton alarmiste des médias locaux, qui crée «un état d’alarme inutile » au sein de la population. « Je suis passée à l’épicerie hier et le magasin était décimé, il n’y avait plus rien, raconte-telle. Ce n’est pas une catastrophe, c’est une tempête. Personne ne va être coincé 10 jours sans électricité dans sa maison. »
Vacances inattendues
Plus au sud, des Québécois qui passaient leurs vacances en Floride pour fuir l’hiver ont dû tirer une croix sur le soleil et les températures clémentes de la région.
Ayant fait le voyage jusqu’à Daytona Beach pour faire de la moto avec ses amis, Stéphane Patry a dû revoir ses plans. «Il y a eu deux jours où il faisait vraiment froid, alors on n’a pas fait de moto », raconte-t-il.
Mais les quelques flocons de neige tombés sur leurs deux-roues jeudi matin ne les ont pas empêchés de pratiquer leur activité favorite. « Bien habillé, ça va, j’avais ma tuque sur la tête. Les Américains nous trouvent fous», lance-t-il au bout du fil d’un ton rieur.
À quelques kilomètres, dans la ville d’Orlando, le Montréalais Josue Moya Diaz et sa famille superposent les couches de chandails et se contentent de faire des activités intérieures.
«On n’était pas équipé pour ça, on avait pris des manteaux d’automne et en arrivant ici, avec l’humidité et le vent, c’était vraiment glacial, raconte-t-il. Le pire, c’est que nous avons fait plusieurs magasins pour trouver des manteaux plus chauds, mais [sans succès]. »
Le retour à Montréal prévu dimanche inquiète fortement ce père de famille alors que l’État de New York vient de décréter l’état d’urgence.
Plus au sud, à Hollywood, si la neige n’est pas tombée, le froid est bien au rendez-vous, confirme Richard Clavet, propriétaire du Richard’s Motel. «Certains Québécois déçus ont devancé leur départ, d’autres ont été retardés à leur arrivée à cause des conditions», raconte-t-il.