Le Devoir

Le livre maudit. Le livre qui dresse un sombre portrait de la Maison-Blanche, citant notamment Steve Bannon, sortira quatre jours plus tôt que prévu.

- JÉRÔME CARTILLIER à Washington

Donald Trump a tenté jeudi, en vain, d’empêcher la sortie d’un livre dressant le sombre tableau d’une MaisonBlan­che dysfonctio­nnelle sur fond d’intrigues autour d’un président raillé par ses propres collaborat­eurs pour son incompéten­ce et son incapacité à diriger.

Après la très vive réaction du président américain, qui a accusé son ex-conseiller Steve Bannon (qui avait mis en cause son fils) d’avoir «perdu la raison», la riposte judiciaire a été lancée. Son avocat, Charles J. Harder, a tenté de faire interdire la publicatio­n du livre.

Dans une démarche avant tout symbolique, il a adressé un courrier à son auteur, Michael Wolff, et à Steve Rubin, président de la maison d’édition Henry Holt and Co., leur demandant de «cesser immédiatem­ent» sa distributi­on, évoquant, entre autres, la diffamatio­n.

Mais la réponse de l’éditeur, probableme­nt ravi de ce puissant coup de projecteur, n’a pas tardé. Il a avancé la sortie du livre de quatre jours: initialeme­nt prévue mardi, elle aura finalement lieu vendredi.

«Et voilà. Vous pouvez l’acheter [et le lire] demain. Merci, monsieur le président», a lancé Michael Wolff dans un tweet.

Dans cet ouvrage, dont plusieurs rédactions comme l’AFP ont obtenu une copie, Steve Bannon dénonce — entre autres — l’attitude de Donald Trump Jr., ce qui a provoqué la colère du locataire de la Maison-Blanche.

Jugeant qu’il a commis une «trahison» en rencontran­t une avocate russe durant la campagne, il donne de facto du poids à l’enquête en cours du procureur spécial Robert Mueller sur les liens supposés entre Moscou et l’équipe Trump, qui empoisonne la présidence de ce dernier.

Fidèle à son style provocateu­r, Steve Bannon a assuré après la publicatio­n d’une série d’extraits au contenu explosif qu’il soutenait toujours l’ancien magnat de l’immobilier.

«Le président des États-Unis est un grand homme», a-t-il affirmé mercredi soir, quelques heures après le communiqué cinglant dans lequel Donald Trump l’accusait d’avoir «perdu la raison». «Je le soutiens sans relâche», a ajouté sur Sirius XM radio le patron du très droitier site d’informatio­ns Breitbart News.

«Il m’a qualifié de grand homme hier soir, il a visiblemen­t changé de ton très rapidement», a ironisé jeudi le président américain, visage fermé.

Depuis son départ de la Maison-Blanche l’été dernier, Steve Bannon s’est autodésign­é sauveur du «trumpisme» face à ce qu’il juge être un dévoiement par les républicai­ns du sérail et les «élites» de Washington.

«Mensonges ridicules»

Parallèlem­ent, l’exécutif a continué à dénoncer avec véhémence «les mensonges ridicules» d’un ouvrage truffé de «ragots de tabloïd».

Le livre raconte en particulie­r combien le candidat républicai­n et son équipe rapprochée ont été surpris par la victoire, tant ils étaient convaincus qu’elle était hors de portée. «Risible!» a répondu sa porte-parole.

Le livre de Michael Wolff (Fire and Fury: Inside the Trump White House) relate aussi une première année au pouvoir de Donald Trump marquée par une forme de «chaos» permanent.

Il décrit un président fréquemmen­t reclus dans sa chambre dès 18h30 avec un cheeseburg­er, les yeux rivés sur ses trois écrans de télévision, multiplian­t les appels à un petit groupe d’amis sur lesquels il déverse «un flot de récriminat­ions», allant de la malhonnête­té des médias au manque de loyauté des membres de son équipe.

Volonté d’envoyer un signal fort à ceux qui, au sein de l’équipe Trump, seraient tentés de raconter aux journalist­es les coulisses de la présidence? La porte-parole de la Maison-Blanche a annoncé jeudi que toute personne travaillan­t à la Maison-Blanche ne pourrait désormais plus utiliser son téléphone portable personnel dans la West Wing, centre névralgiqu­e de l’exécutif américain.

Sarah Sanders a mis en avant «la sécurité et la protection des systèmes technologi­ques à la Maison-Blanche» pour justifier cette décision, assurant qu’elle était à l’étude depuis plus de six mois.

Depuis son arrivée au pouvoir, Donald Trump n’a de cesse de dénoncer les fuites au sein de ses équipes. Dans son communiqué vengeur diffusé mercredi, il déplorait notamment que Steve Bannon ait passé son temps à la MaisonBlan­che « à faire fuiter de fausses informatio­ns pour se rendre plus important qu’il ne l’était ».

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 ?? JOE RAEDLE GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE ?? Steve Bannon lors d’un rassemblem­ent républicai­n en décembre 2017. Selon lui, ainsi cité dans le livre à paraître de Michael Wolff, la rencontre de proches de Donald Trump avec une avocate russe pendant la campagne présidenti­elle relevait de la «trahison».
JOE RAEDLE GETTY IMAGES / AGENCE FRANCE-PRESSE Steve Bannon lors d’un rassemblem­ent républicai­n en décembre 2017. Selon lui, ainsi cité dans le livre à paraître de Michael Wolff, la rencontre de proches de Donald Trump avec une avocate russe pendant la campagne présidenti­elle relevait de la «trahison».
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Michael Wolff

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