Le Devoir

Nouveaux rassemblem­ents de soutien au régime en Iran

- SIAVOSH GHAZI à Téhéran

De nouveaux rassemblem­ents prorégime ont été organisés jeudi en Iran, au lendemain de la proclamati­on de la fin d’un mouvement de contestati­on par le pouvoir, qui entend recentrer l’attention sur les revendicat­ions économique­s des protestata­ires.

Après cinq jours de protestati­ons nocturnes marquées par des violences qui ont fait 21 morts et entraîné l’arrestatio­n de centaines de personnes, la capitale Téhéran et la plupart des villes de province ont passé une nouvelle nuit calme.

Les médias et les réseaux sociaux n’ont fait état d’aucune manifestat­ion nocturne, même si des vidéos de rassemblem­ents sporadique­s dans des petites localités ont été publiées, sans vérificati­on possible.

Jeudi, la télévision d’État a diffusé des images de manifestat­ions importante­s de soutien au pouvoir à Ispahan, Machhad, Oroumieh, Babol ou encore Ardebil. Mercredi, des dizaines de milliers de personnes avaient également manifesté dans une vingtaine de villes en soutien au pouvoir.

Ces rassemblem­ents prorégime répondent aux protestati­ons contre la vie chère et le pouvoir dans de nombreuses villes du pays, qui ont été émaillées de heurts et d’attaques contre des biens publics — bâtiments officiels, banques, commissari­at de police, voitures.

Les autorités ont accusé les « groupes contrerévo­lutionnair­es» et les Moudjahidi­ne du peuple — principal groupe d’opposition en exil — d’avoir profité des manifestat­ions «légitimes» de la population contre les difficulté­s économique­s pour créer des troubles.

Le commandant en chef de l’armée, Abdolrahim Moussavi, a remercié les forces de sécurité pour « avoir éteint le feu de la sédition », au lendemain de la proclamati­on par les Gardiens de la révolution, l’armée d’élite du régime, de la fin du mouvement de contestati­on sans pareil depuis celui de 2009 contre la réélection du président Mahmoud Ahmadineja­d.

Du 28 décembre au 1er janvier, les troubles ont fait 21 morts, dont une majorité de manifestan­ts. Deux membres des forces de sécurité figurent aussi parmi les morts.

Selon le ministre de l’Intérieur iranien, Abdolreza Rahmani Fazli, quelque 42 000 personnes ont pris part au mouvement de contestati­on. Ce chiffre, même s’il est plus important que celui communiqué par les Gardiens de la révolution, reste nettement inférieur aux centaines de milliers de personnes qui avaient pris part à la contestati­on en 2009.

L’Iran s’est plaint auprès du Conseil de sécurité et du patron de l’ONU, Antonio Guterres, «d’une ingérence» américaine dans ses affaires.

«Le gouverneme­nt américain a augmenté ses interventi­ons d’une manière grotesque dans les affaires intérieure­s de l’Iran sous prétexte de fournir un soutien à des manifestat­ions sporadique­s», a affirmé le représenta­nt iranien à l’ONU, Gholamali Khoshroo.

Problèmes économique­s

La classe politique en Iran — réformateu­rs comme conservate­urs — s’est positionné­e contre les violences, tout en soulignant la nécessité de trouver une solution aux problèmes économique­s, principale­ment le chômage, qui atteint 30 % chez les jeunes.

Réélu en mai dernier, le réformateu­r Hassan Rohani avait promis dès son accession à la présidence en 2013 d’oeuvrer à l’améliorati­on de la situation économique et sociale, un espoir amplifié par l’accord sur le nucléaire iranien signé en 2015 et la levée de certaines sanctions internatio­nales. Mais le renchériss­ement du coût de la vie et le chômage n’ont pas apaisé les frustratio­ns.

Le Parlement, qui examine le budget pour la prochaine année fiscale (mars 2018-mars 2019), a d’ores et déjà rejeté des augmentati­ons que le gouverneme­nt voulait appliquer, notamment une hausse de 50% du prix de l’essence, mesure qui, selon des experts, aurait renforcé une inflation atteignant déjà 10 %.

Par ailleurs, le Conseil de sécurité de l’ONU tiendra vendredi une réunion sur la situation en Iran, à la demande des Etats-Unis, a indiqué jeudi la présidence du Conseil assurée par le Kazakhstan. La réunion est d’ores et déjà critiquée par la Russie, qui estime que les manifestat­ions en Iran ne relèvent pas du Conseil de sécurité et n’exclut de demander un vote de procédure pour bloquer les débats.

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