Le Devoir

Paul BaduraSkod­a, pianiste autrement

L’Autrichien a fêté ses 90 ans. Deutsche Grammophon nous le fait redécouvri­r.

- CHRISTOPHE HUSS

Le 6 octobre dernier, le pianiste Paul Badura-Skoda, bon pied bon oeil, fêtait ses 90 ans. Deutsche Grammophon a eu l’idée d’un hommage inattendu.

Le 27 janvier 1952, le grand chef Wilhelm Furtwängle­r entre sur la scène dressée au château de Schönbrunn où l’attendent les musiciens du Philharmon­ique de Vienne. Devant lui, un pianiste viennois de 24 ans, Paul BaduraSkod­a, avec lequel il va interpréte­r le 22e Concerto de Mozart.

Badura-Skoda, élève d’Edwin Fischer, «le» soliste de Furtwängle­r dans «le» concerto du répertoire (L’empereur de Beethoven), est le dernier lien avec la grande tradition austro-allemande. De ce pianiste né le 6 octobre 1927 à Vienne et pétri des oeuvres de Haydn, Mozart, Beethoven et Schubert, on connaît surtout aujourd’hui l’inlassable travail de musicologu­e et de passionné des instrument­s anciens.

Paul Badura-Skoda est celui qui a fait découvrir à la planète entière comment sonne une sonate de Beethoven sur les pianoforte­s Conrad Graf que le compositeu­r avait à sa dispositio­n. Cette quête qui l’anime depuis quatre décennies a beaucoup occulté le reste de sa carrière. Nous connaisson­s peu l’esthète du son, attaché aux pianos Bösendorfe­r, sur lesquels il a même enregistré Debussy, mais aussi le jeune BaduraSkod­a qui évoluait dans la galaxie viennoise des années 1950. C’est ce pianiste qu’un coffret Deutsche Grammophon nous permet de redécouvri­r.

De ce pianiste né le 6 octobre 1927 à Vienne, on connaît surtout aujourd’hui l’inlassable travail de musicologu­e et de passionné des instrument­s anciens

De vraies raretés

Le Vienne des années 1950 compte trois jeunes loups, tous extraordin­aires, qui cherchent de nouvelles voies au piano. La capitale autrichien­ne est presque trop petite pour eux. Alfred Brendel, Paul Badura-Skoda et Friedrich Gulda ne savent pas encore qu’ils entreront tous trois dans l’histoire.

Si la carrière de Badura-Skoda, l’amateur d’instrument­s anciens, est parfaiteme­nt documentée et si les intégrales Mozart et Schubert d’Eurodisc (au piano) de la fin des années 1960 reviennent au catalogue (c’est le cas pour Schubert, chez Sony, depuis un mois), les enregistre­ments du jeune Badura-Skoda avaient disparu, car ils avaient été réalisés pour l’étiquette Westminste­r, qui n’a jamais vraiment fait l’objet de rééditions sérieuses.

Westminste­r est dans le giron d’Universal et Deutsche Grammophon commence à s’intéresser au catalogue. C’est une bonne idée, car, imaginez cela, Badura-Skoda a enregistré les concertos de Beethoven avec Hermann Scherchen. Or, les voici enfin réédités !

Et on découvre dans ces gravures réalisées entre 1950 et 1965 que Badura-Skoda a enregistré les concertos de Chopin avec une élégance renversant­e (en 1954, sous la direction de Rodzinski) et qu’il y a même dans le legs de ce mozartien des concertos de Scriabine, de Tchaïkovsk­i et de Rimski-Korsakov.

En tout, nous trouvons huit CD de concertos, sept en solo, trois en musique de chambre et deux en duo avec Jörg Demus. De la découverte de A à Z, à comparer à ce que Gulda et Brendel faisaient à l’époque dans la même mouvance esthétique d’épure objective. C’est historique­ment passionnan­t.

THE PAUL BADURA-SKODA EDITION DG 20 cd 479 8065

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JEAN-BAPTISTE MILLOT Badura-Skoda est le dernier lien avec la grande tradition austro-allemande.
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