Les écologistes déboutés face aux pétrolières
C’est une défaite importante pour les écologistes, mais une victoire pour l’industrie des énergies fossiles. Un tribunal norvégien a rejeté jeudi la demande d’annulation de droits d’exploration pétrolière accordés dans la très fragile région de l’Arctique. Selon la justice, les permis ne contreviennent pas au droit à un «environnement sain» reconnu par la Constitution du pays ni à l’Accord de Paris.
Cette affaire, qui illustre la judiciarisation grandissante des questions environnementales liées au climat, avait été lancée par Greenpeace et deux organisations environnementales norvégiennes.
Les groupes écologistes exigeaient le retrait des permis d’exploration accordés en 2016 à 13 entreprises pétrolières dans des zones reculées de la mer de Barents. Selon eux, la situation était d’autant plus urgente que l’entreprise Statoil — contrôlée par l’État norvégien — a déjà commencé les forages exploratoires l’été dernier.
Accord de Paris
Selon l’argumentaire présenté par les environnementalistes, l’octroi de ces permis viole une disposition ajoutée dans la Constitution en 2014 qui garantit le droit à un «environnement sain» pour les citoyens et les générations futures.
De plus, le fait de favoriser l’expansion de la production d’énergies fossiles contreviendrait aux dispositions de l’Accord de Paris sur le climat, qui prévoit une réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) pour limiter le réchauffement planétaire, dans le pire des cas, à 2 °C.
Dans le jugement rendu jeudi, la justice norvégienne a reconnu que la Constitution accorde désormais des droits supplémentaires aux citoyens du pays en matière environnementale. Mais le jugement estime que le droit à un «environnement sain» ne s’applique pas dans le cas de l’octroi de nouveaux permis d’exploration pétrolière et gazière.
Le Tribunal d’Oslo a par ailleurs conclu que la Norvège, premier producteur de pétrole et de gaz naturel d’Europe de l’Ouest, ne pouvait être tenue responsable des émissions de GES générées par ses exportations d’hydrocarbures dans d’autres pays.
Déception
«Nous sommes très déçus [que le Tribunal] ait créé un vide juridique en prétendant que les émissions dues au pétrole norvégien à l’étranger ne sont pas couvertes par cette disposition de la Constitution», a déclaré le chef de Greenpeace Norvège, Truls Gulowsen, par voie de communiqué.
Lors du procès en novembre, l’État norvégien avait affirmé que l’attribution des licences d’exploration avait été conforme à la loi. Il faut dire qu’une victoire des écologistes aurait eu de sérieuses répercussions économiques pour le pays, qui doit sa richesse au pétrole. Celui-ci lui a permis d’amasser un fonds souverain de plus de 1000 milliards de dollars, le plus important au monde.
Face au déclin de sa production pétrolière, divisée par deux depuis 2000, la Norvège compte aujourd’hui sur le Grand Nord: selon des estimations officielles, la mer de Barents recélerait environ 65% des ressources restant à découvrir au large du pays.
Judiciarisation du climat
L’affaire illustre en tout cas la judiciarisation croissante du combat contre le réchauffement planétaire. Le Grantham Research Institute on Climate Change de Londres a ainsi répertorié plus de 260 affaires ayant trait au climat dans 25 juridictions, la plupart depuis moins de dix ans. Ce chiffre exclut les États-Unis, où le nombre de contentieux de ce genre est supérieur à 700.
Des batailles judiciaires parfois couronnées de succès. Les Pays-Bas ont par exemple été condamnés en 2015 à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre de 25 % avant 2020, une décision qui a fait l’objet d’un appel.
En novembre, la justice allemande a aussi accepté d’examiner la requête d’un paysan péruvien qui veut contraindre le géant de l’énergie RWE à réparer les effets du changement climatique dans les Andes.