Constats et pistes de solution
Les médecins ont des ressources pour parfaire leurs connaissances en traitement de la douleur, mais certaines demeurent méconnues
Aide aux médecins, projets de recherche, obligations pour les CIUSSS : des initiatives font surface un peu partout au Québec pour améliorer les soins en douleur chronique, mais il reste beaucoup à faire. Tour d’horizon.
Des conseils pour les médecins:
Le Centre en douleur chronique du CHUM, une référence dans le domaine au Québec, offre toutes les semaines des formations à distance aux médecins de famille, infirmières et autres intervenants de première ligne. «On présente le cas anonyme d’un des participants et je rédige les recommandations », explique Aline Boulanger, anesthésiste et directrice du Centre d’expertise de la douleur chronique du CHUM. «L’avantage, c’est que tout le monde peut apprendre de tout le monde.» Des séances pratiques sont aussi prévues.
Le Centre offre aussi le service «Avis d’experts» pour répondre aux questions des professionnels. « C’est une ligne téléphonique que le médecin peut utiliser pour obtenir des informations. Un dossier médical est ouvert et nos recommandations sont envoyées au médecin. C’est ni plus ni moins une consultation téléphonique. » Le hic, c’est que beaucoup de médecins ignorent même son existence, concède-t-elle. « On pourrait en prendre plus.»
Obligation d’agir: Au Québec, les CIUSSS sont responsables des centres de traitement de la douleur chronique. Le ministère a obligé chacun d’entre eux à se doter d’ici 2018 de services dans le traitement de la douleur. Or, à l’approche de l’échéance, plusieurs CISSS et CIUSSS n’en offrent toujours pas, fait remarquer Aline Boulanger. « Il y a des centres qui ont créé des cliniques régionales. […] D’autres sont à l’étape du développement, mais il y en a où il ne s’est presque rien passé.» Même si les progrès sont lents, Mme Boulanger fait remarquer qu’il y a trois ans, Trois-Rivières était la seule région à offrir un service à l’extérieur de Montréal. On en compte un peu partout désormais.
Formation des médecins: Beaucoup d’experts déplorent le peu de temps accordé au traitement de la douleur dans la formation générale des omnipraticiens. «Dans le cursus des études de médecine, il y a peu ou pas de cours spécifiquement consacré à la douleur», note le Dr Dropinski, qui s’est lui-même spécialisé dans ce domaine en Europe. Dans la foulée de la crise des opioïdes, la Fédération des facultés de médecine a annoncé en novembre qu’elle comptait proposer un nouveau curriculum laissant plus de place au traitement de la douleur et permettant de «prescrire des opioïdes de manière plus sécuritaire ».
La recherche: La recherche sur le traitement de la douleur est en pleine ébullition au Québec. Manon Choinière, par exemple, cherche à déterminer quels facteurs sont à l’origine des lombalgies chroniques. «Les patients qui ont tendance à être plus anxieux sont plus à risque, donc on peut intervenir sur le plan de l’anxiété. On peut utiliser de la psychothérapie et des techniques d’autogestion.» Très mobilisé, le milieu québécois de la recherche a tenu son premier congrès sur la douleur chronique en novembre dernier et, pour la troisième fois, la ville de Montebello sera l’hôte, l’été prochain, de l’École nordaméricaine de la douleur, où seront présentées les avancées dans le traitement des maux chroniques.
L’exemple australien: L’Australie s’est dotée, en 2011, d’une Stratégie nationale de lutte contre la douleur chronique. Grâce à l’ajout de cliniques de la douleur en région, le temps d’attente moyen est passé, de un à deux ans, à environ deux mois. Ces changements ont permis une réduction importante de la consommation d’opioïdes.
Très mobilisé, le milieu québécois de la recherche a tenu son premier congrès sur la douleur chronique en novembre dernier
Soutien psychologique: De l’avis de la plupart des intervenants, il reste beaucoup à faire notamment pour obtenir un suivi en psychologie. Selon Muriel Marois, il faut s’occuper en priorité des patients sur les listes d’attente dont la douleur perdure. Leurs médecins devraient les diriger vers des groupes d’entraide, dit-elle, pour qu’ils puissent acquérir des techniques de gestion de douleur. L’offre en psychologie dans le système public devrait être bonifiée, croit-elle. La Dre Aline Boulanger estime aussi que les services en réadaptation et en psychologie demeurent «peu accessibles aux patients».